Cuba, un marché pour l’art ?

Puisque l’art permet de voyager dans son fauteuil et que l’économie cubaine est en pleine transfiguration, c’est le moment de se pencher sur les mystères du marché de l’art cubain.


Ce qui suit est le fruit de ma propre expérience au fil de dix années dans les galeries et musées et de la lecture de l’article très éclairant Money Talks : apuntes para un debate sobre el mercado del arte en Cuba, par Orlando Justo dans Rialta Magazine, dont de larges extraits sont adaptés ci-dessous. Merci !


Le marché de l’art cubain est un phénomène plutôt récent, dans lequel les institutions étatiques cohabitent avec des mécanismes de marché ouvert. Balloté au fil des décrets qui lui confèrent plus ou moins d’autonomie, il paraît soumis à l’improvisation permanente.

Or depuis 20 ans, Cubains et Cubaines sont de plus en plus présents dans les ventes, les musées et les galeries internationales. Certains y atteignent des prix à 6 ou 7 chiffres… Mais ce ne fut pas toujours le cas. Résumé des épisodes précédents :

Marché de l’art cubain : un peu d’histoire

Ou y distingue 3 périodes : la première pendant l’étape républicaine, la suivante de 1959 à 1993 et enfin la troisième du Período Especial à nos jours.

La République

Jusque dans les années 40 du siècle précédent, la classe dominante cubaine se piquait de collectionner les maîtres européens et l’art classique, sans porter attention aux artistes locaux, qu’ils soient académiques ou d’avant-garde.

À titre d’exemples, la collection Franjul se limitait aux maîtres espagnols : Sorolla, Goya… tandis que Mario García Menocal possédait des Rodin et des Corot. Oscar B. Cintas avait réuni El Greco, Rembrandt, Rubens, Van Dyck et Murillo dans sa demeure et le Conde de Lagunillas préférait l’art antique.

La seule exception notable était María Luisa Gómez-Mena, mécène active des artistes d’avant-garde des années 20 à 40. Les œuvres contemporaines se vendaient très peu à Cuba et seulement dans la classe moyenne et chez les intellectuels, architectes, diplomates et journalistes.

Une situation qui changea radicalement lorsque les collectionneurs internationaux – et surtout Étatsuniens – commencèrent à sentir l’appel de l’art moderne produit sur l’île. Le critique d’art José Gómez Sicre a joué un rôle de premier plan en travaillant avec le directeur du MoMA, Alfred H. Barr, pour la première exposition de l’avant-garde cubaine à New York, en 1944. Celle-ci intéressa au plus haut point les galeristes New Yorkais qui commencèrent à exposer les Cubains aux côtés des Européens.

Départ pour New York de la délagation cubaine pour l’exposition au MoMA . De haut en bas et de droite à gauche : Luis Martínez Pedro Enrique Labrador Ruiz, José Gómez Sicre, Felipe Orlando, Cundo Bermúdez, Victor Manuel, Amelia Peláez, Mario Carreño. Courtesy Dr. Alejandro Anreus

Mexico, Paris, Stockholm, Buenos Aires… d’autres métropoles se joignaient au mouvement et les années 50 virent l’ouverture de plusieurs galeries à La Havane, pour accompagner cette génération d’artistes qui commençait à vivre de son travail, forte d’une visibilité internationale naissante.

C’était aussi l’époque des collaborations artistes-architectes pour créer des fresques, mosaïques et bas reliefs dans les immeubles et logements modernistes qui s’érigeaient en grand nombre dans les quartiers chics de la capitale cubaine.

1959 – 1993 : Dentro de la Revolución, todo !

Le modèle communiste introduit peu après la Revolución impose la nationalisation des galeries d’art et une redéfinition des fonctions économiques et sociales de l’art.

La patria puede contar conmigo, affiche de la Fédération des Femmes Cubaines (FMC).

Celui-ci est jugé pour sa valeur esthétique – incontestable – et idéologique, porteuse d’un message pour la société. La photographie notamment devient un instrument de propagande avec les clichés d’Alberto Korda, Raúl Corrales… qui ornent toutes les salles à manger de l’île.

Adieu passions individuelles et spéculation, devenues tabou du jour au lendemain. La valeur commerciale des œuvres cubaines s’effondre tandis que s’efface toute notion de marché dans l’île.

La plupart des collectionneurs optent pour l’exil avec leurs toiles soigneusement roulées sous le bras (enfin, pas toutes, car beaucoup sont réquisitionnées…). Ils abandonnent là cette nouvelle politique culturelle axée sur « l’Art pour Tous », un slogan qui résonne en France depuis la même époque, soit dit en passant.

Ce qui subsiste du marché de l’art ? Les ventes directes du producteur aux consommateurs, en l’occurrence les diplomates étrangers et les institutions gouvernementales.

Galería Habana est inaugurée en 1962 avec pour objectif la promotion des artistes cubains, plutôt que la vente de leurs œuvres. D’ailleurs en 1971, le Congreso Nacional de Educación y Cultura coupe court tous les liens entre activité artistique et marché :


“La Revolución libera al arte y la literatura de los férreos mecanismos de la oferta y la demanda imperantes en la sociedad burguesa. El arte y la literatura dejan de ser mercancías”.

(La révolution libère l’art et la littérature des stricts mécanismes de l’offre et de la demande, qui prévalent dans la société bourgeoise. L’art et la littérature ne sont plus des marchandises.)

Ministerio de Educación : Memorias. Congreso Nacional de Educación y Cultura, Instituto Cubano del Libro, La Habana, 1971.


S’ensuit une période tristement nommée Quinquenio Gris, de la couleur des âmes et de l’inspiration des artistes, pris au piège de cette position intenable .

Les institutions se mettent en place : le ministerio de Cultura en 1976 et le Fondo Cubano de Bienes Culturales (FCBC) en 1978. Vous le connaissez, c’est l’organisme qui délivre des autorisations de sortie pour les œuvres, même modestes, que vous achetez à Cuba. Il commercialise aussi les reproductions de quelques tableaux, toujours les mêmes : La Gitana tropical de Victor Manuel, La Silla de Lam, quelques gravures d’Amelia Peláez, etc.

Amelia Peláez, sans titre, 1967

Mais à partir des années 80, les aspects artistiques et idéologiques de la politique culturelle de l’État cubain vont se teinter d’intérêts commerciaux, avec la participation à des foires et festivals internationaux.

Il faut bien comprendre le contexte : les artistes plasticiens étaient salariés par les institutions culturelles, qui les inscrivaient dans leurs registres après l’obtention de leur diplôme. Ils étaient donc au service de l’État, employés à diverses tâches d’intérêt culturel : enseignement, restauration d’œuvres, accueil dans les galeries d’art de quartier…

Assouplissement d’un dogme

En 1988, un décret propose une meilleure indépendance des créateurs, bien qu’ils travaillent toujours sous le contrôle du FCBC, lequel assume la gestion des galeries et leur représentation à l’extérieur.

L’extérieur… mais pas partout, car les relations avec les États-Unis sont toujours extrêmement contraintes, aussi bien à la sortie (pour cause d’embargo) qu’à l’entrée (les collectionneurs cubains de Miami sont persona non grata sur l’île).

Cependant, cette année-là, les œuvres d’art sont exclues de la liste des produits cubains affectés par l’embargo et Christie’s et Sotheby’s peuvent organiser des ventes consacrées à la création cubaine. Les conditions sont enfin réunies pour…

1984 : primera Bienal de La Habana

Performance devant une toile de WIfredo Lam, première biennale de La Havane 1984. Nom des danseurs non mentionné, photo droits réservés.

5 ans avant l’exposition Magiciens de la Terre du Centre Pompidou (1989), qui mettait en avant les créateurs du monde entier, La Havane organise sa première biennale : une tribune pour les arts visuels de la « périphérie », jusqu’alors ignorés des spécialistes des pays riches. Oui, les pays en voie de développement produisent une création artistique foisonnante, il suffit de savoir regarder !

Le succès de cette biennale (qui perdure, mais pas vraiment tous les deux ans) fit que le nombre de visiteurs étrangers monta en flèche, provoquant chez certains d’entre eux une passion pour l’art cubain.

L’industriel allemand Peter Ludwig, qui posait le pied à Cuba pour la première fois en 1989 (troisième biennale), constitua en peu de temps une superbe collection d’art cubain. Il est toujours présent sur l’île au travers de la Ludwig Foundation qui poursuit son soutien aux jeunes artistes.

Ainsi, cette biennale sans but commercial se transforma en outil de marketing très efficace !

De 1993 à nos jours : le marché

Tout a été dit sur le Período Especial qui a suivi, à Cuba, l’effondrement du parrain communiste.

Les réformes économiques mises en œuvre par le régime, à partir de ce point de rupture, ont concerné aussi le monde de la culture. Les artistes en ont finalement bénéficié dans leurs relations avec l’État, à condition de laisser leur esprit critique de côté. Ils ont pu gérer leur carrière avec une relative indépendance, un phénomène peu commun par rapport à d’autres secteurs économiques dans le Cuba de ces années-là.

C’est que le Marché était devenu le nouveau graal à atteindre. Arts visuels, ballet, musique : tout devait s’exporter pour ramener des liquidités dans les caisses de l’État !

Sandra Ramos (Cuba, 1969) Picando el cake / cutting the cake, 2011. Droits réservés.

Et en effet, pour les arts visuels, les seuls acheteurs potentiels étaient étrangers. Après trente ans de Revolución, aucun cubain ne possédait le capital suffisant (ou ne pouvait l’exhiber) pour acheter à son compte une œuvre d’envergure.

Au contraire, ceux qui en avaient encore essayaient de les vendre sous la guayabera pour subvenir aux besoins de leur famille. Les années 90 ont vu les ménages se départir de leur vaisselle, mobilier, livres anciens et objets d’art, au profit de visiteurs fortunés ou d’intermédiaires qui revendaient généralement à Miami…

Pendant ce temps-là, à la faveur d’une relative souplesse autorisée dans les déplacements, les artistes de la Generación del 80, formés par les structures éducatives de la Revolución, émigraient massivement. Beaucoup s’installaient à México, où la galeriste Nina Menocal leur ouvrait ses portes. D’autres se dirigeaient vers les États-Unis…

Ils faisaient place nette pour la génération suivante, contrainte d’inventer ses propres mécanismes de survie. Le collectif Los Carpinteros en est le paradigme, voyez leur histoire ici :

Le gouvernement avait tiré la leçon de la débandade des années 80 : il ne pouvait imposer aux artistes les mêmes restrictions qu’il appliquait à d’autres activités professionnelles. Et d’ailleurs, il n’y avait pas intérêt.

La génération des année 90 peut (un peu) voyager, bénéficier de bourses d’études et de résidences à l’étranger, participer à des expositions internationales, vendre ses œuvres et recevoir des visiteurs étrangers sans passer par les galeries officielles.

Alors que les architectes par exemple, doivent abandonner soit leur pays soit leurs compétences à la recherche d’une activité plus lucrative, les artistes bénéficient d’une petite arrivée d’air qui leur permet de respirer.

Mieux : ils s’aperçoivent que l’Art appris à l’ISA est non seulement le véhicule d’idéaux révolutionnaires, mais aussi un bon moyen de gagner sa vie !

Aujourd’hui

Susana Pilar Delahante, Kont pa si bato mon frèr pou sot la rivièr (capture d’écran), performance pour la Biennale de l’Île de la Réunion réalisée lors d’unerésidence en 2011.

À la différence de leurs aînés, les jeunes artistes du XXIe siècle commencent à soigner leur relation au marché de l’art dès l’Université : ils y apprennent à préparer des dossiers de bourses et résidences, à négocier leurs prix et à signer des contrats.

La plupart d’entre eux sont parfaitement conscients des restrictions politiques et de la détérioration économique de leur pays, ce qui peut se refléter subtilement dans leur production… ou pas, car c’est leur choix. Mais ils n’entrent pas en conflit ouvert avec les garants de leur statut privilégié.

Tandis qu’un petit nombre affronte les institutions, allant jusqu’à manifester devant le ministerio de Cultura pour plus de liberté. Cela n’a rien à voir avec la réussite ou la reconnaissance, car parmi elles et eux se trouvent certains des artistes les mieux cotés sur le marché international, à l’image de Tania Bruguera ou Reynier Leyva Novo !

Un marché sur trois étages

Au delà de ces données historiques, le marché de l’art cubain est structuré en plusieurs strates économiques qu’il convient de distinguer, sans jugement de valeur artistique d’ailleurs :

Artistes au sommet

Il s’agit d’artistes présents dans les circuits internationaux et représentés par de prestigieuses galeries : Jack Shainman, Sean Kelly, Mai 36, Galleria Continua, Ben Brown, etc. Ce segment du marché, hautement sélectif, s’est ouvert à un petit groupe de cubain.e.s trié.es sur le volet, dont les œuvres se vendent à prix d’or. Ils vivent le plus souvent entre New York ou Madrid et La Havane, où ils se sont (ré)installés dans de vastes lofts-ateliers.

Artistes reconnus

Au milieu se situent les artistes émergents ou en milieu de carrière, connus du circuit de l’art mais pas du grand public. Leurs galeries sont moins monumentales, leurs clients sont souvent des fidèles, collectionneurs privés et connaisseurs, dont le budget ne leur permet pas d’acquérir des œuvres d’artistes super cotés.

Marché du jour

Taller de serigrafia René Portocarrero, 2016.

Le niveau de base, le plus actif sans doute, comprend les œuvres qui se vendent moins de 100 $ dans le contexte des marchés, foires et boutiques des musées. Les acheteurs sont des visiteurs présentant un intérêt pour la culture au sens large, qui souhaitent ramener à la maison un souvenir à haute valeur ajoutée : un objet unique, fait main, décoratif, signé. Certains des cubains qui vendent dans ce contexte sont des autodidactes ou encore étudiants dans les écoles d’art et créent précisément pour gagner leur pain quotidien. Et ça marche !


Entre parenthèses, je me situe fièrement au rez-de-chaussée des amatrices d’art. Ma collection personnelle se compose d’une douzaine d’affiches sérigraphiées, dont 6 encadrées et les autres roulées dans un coin. Je les ai payées entre 7 et 10 $ et l’une d’elles m’a été offerte par l’artiste. J’ai également deux gravures (tirages récents évidemment) d’Amelia Peláez et, plus original, une œuvre vidéo conceptuelle d’Hamlet Lavastida dont j’ai reçu une copie numérique à la suite de ma participation à un crowdfinding sur la défunte plateforme Yagruma.


Au final, quelle que soit la motivation, tout le monde y trouve son compte, bien que les passerelles entre les trois niveaux soient quasi inexistantes. Il y a aussi peu de chances de dénicher le prochain Basquiat dans une foire d’artisanat cubain, que de trouver un Frida Kahlo sur Le Bon Coin !

Comment faire son marché à Cuba

Vous allez me dire que ça dépend du compte en banque, mais le marché cubain présente aussi des particularités et subtilités qui méritent d’être détaillées à l’heure de se lancer dans une acquisition. D’autant que l’embargo commercial rend les transactions financières tortueuses…

Les ventes des institutions cubaines

Ce sont les transactions effectuées par les galeries officielles. Le Ministerio de Cultura a créé à cet effet l’entreprise Génesis Galerías de Arte, qui gère les galeries La Acacia, Galería Habana, Galería Servando (ma préférée) etc. Ajoutez-y Villa Manuela, appartenant à l’UNEAC et le circuit du FCBC : vous avez déjà un beau catalogue disponible dans la capitale. Pendant quelques années, ce dispositif était complété par la vente aux enchères Subasta Habana, qui a disparu en 2014.

Santiago Rodríguez Olazábal, Gemelos (2008) ici à la galeria Artis 718, gérée par le FCBC, La Havane, été 2017
Estudio de Esterio Segura dans le municipio Diez de Octubre, La Havane. Une adresse que vous ne trouverez pas dans les guides touristiques.

Les ventes directes en circuit court à valeur affective ajoutée

Acheter une œuvre directement à l’artiste, lors d’une visite de studio, c’est une pratique autorisée et qui a plutôt bonne presse à l’étranger. Les comptes bancaires des artistes sont à l’extérieur aussi. Mais attention, si l’artiste a le droit de vendre le fruit de son travail, il ne peut pas (théoriquement) transformer son studio en galerie pour y exposer ses congénères.

Guides touristiques et tour opérateurs

De nombreux « paquets touristiques » comprennent une virée dans les studios de la capitale, au même titre que la tournée des rooftops branchés. Le volume de ce marché fluctue au gré de la politique du voisin du nord vis-à-vis de Cuba… et les guides prélèvent une commission au passage, bien que ne possédant généralement aucune compétence en matière d’arts visuels.

Reynero Tamayo, The Question (2015), mixed media on canvas, 55 X 45 pouces, vu à la Galeria Artis 718, août 2017

Marchands d’art indépendants

Au moment où j’écris ces lignes, l’État vient de placer l’activité de galeriste indépendant sur la liste des professions interdites.

Je mentionne toutefois ces derniers car la situation présente n’est pas forcément irréversible… La galerie la plus connue est certainement le Estudio Figueroa-Vives, fondé par un photographe et une spécialiste de l’art contemporain dans leur appartement du Vedado. Christian Gundín dirige la galerie El Apartamento et fait de nombreux émules qui ouvrent des espaces plus ou moins éphémères, plus ou moins tolérés, notamment pendant les Biennales de La Havane.

Voyages culturels à l’initiative de galeries étrangères

Depuis Miami, Mexico ou New York, des marchands d’art en lien avec les artistes et les institutions cubaines, entraînent dans leur sillage des collectionneurs qui viennent choisir des œuvres dans leur contexte, plutôt que sur les murs des galeries. La commission est la même mais l’expérience de l’acheteur est radicalement différente !

Artistes cubains représentés par des galeries étrangères

Beaucoup d’appelé-es et peu d’élu-es dans cette catégorie, qui a accès à Art Basel Miami et aux biennales internationales. Parmi eux, certains comme Carlos Garaicoa réinvestissent leur réussite dans des projets de soutien aux jeunes générations. Galleria Continua, aujourd’hui présente sur plusieurs continents, est un cas à part dans la mesure où elle a reçu l’autorisation gouvernementale d’ouvrir un espace à La Havane, en plein Barrio Chino. Officiellement, Arte Continua La Habana est d’ailleurs un centre culturel communautaire, pas une galerie commerciale. N’empêche, on y découvre de magnifiques expositions et la douzaine d’artistes cubain-es qu’elle représente sont maintenant visibles partout dans le monde !

Artistes cubain-es installé-es à l’étranger

Cela ne date pas de la Revolución, il y a toujours eu des artistes cubains à Paris, Madrid ou New York : Carmen Herrera (qui n’est jamais revenue), Wifredo Lam (qui a fait plusieurs allers-retours), etc. Ana Mendieta est sortie contre son gré au début des années 60 et a développé une brillante – mais courte – carrière aux États-Unis. Le sculpteur Agustin Cárdenas a laissé quelques œuvres dans l’espace public à Cuba, mais a vécu presque toute sa vie en France.

Un Cubain dans le froid hiver parisien : Agustin CÁrdenas (1927-2001) exposé à la Maison de l’Amérique Latine, Paris, février 2020.
Un Cubain dans la brillante lumière parisienne : Daniel Buren, Mario Cristiani et Reynier Leyva Novo lors de l’inauguration d’une exposition à Galleria Continua Les Moulins, octobre 2017

Mais ceux qui nous intéressent ici sont les artistes des dernières générations, qui entrent et sortent de l’île un peu comme bon leur semble et ne cachent ni leur amour de Cuba, ni leur indépendance d’esprit.

Les dirigeants cubains savent très bien que les collectionneurs et les institutions culturelles around the world éprouvent un frisson de transgression à flirter avec un art politiquement incorrect, surtout s’il vient du dernier des mohicans communistes. Autoriser certaines manifestations (pas toutes !) envoie un message de tolérance toujours bien utile sur le plan diplomatique.

Le marché de l’art ne s’en porte que mieux et les artistes y trouvent une forme de protection sociale… Mais on se demande si cet aspect politique, forcément politique, influe sur la manière d’évaluer leurs œuvres.

Questions pour conclure

  • Si Cuba devenait une démocratie du jour au lendemain, la cote de ses meilleurs artistes chuterait-elle ?
  • L’art cubain a-t-il connu son quart d’heure de gloire grâce aux remous de l’histoire ?
  • Ou bien les remous de l’histoire ont-ils produit une effervescence créative exceptionnelle ?
  • Et d’ailleurs, qu’est-ce que l’art cubain et est-il entièrement contenu dans le Marché de l’Art ???

Vous avez tout le temps d’y réfléchir, en attendant la réouverture de frontières, galeries et musées !

Illness ha a colour, exposition organisée par la galerie El Apartamento à Estudio 50, l’un des nouveaux nexus culturels de la capitale cubaine, lors de la Biennale de La Havane 2019. Eduardo Ponjuán, Leandro Feal, Ezequiel Suárez, Juan Carlos Alom, Pedro Pablo Lima, Reynier Leyva Novo, Julio César Llópiz, Lester Álvarez y Kevin Avila, Ariamna Contino y Alex Hernández, Mari Claudia Garcia, Raúl Cordero, jorge & larry… Et surtout la belle convivialité a lo cubano ! Photo Alejandro Vellón Ferrer publiée dans Vistar Magazine, droits réservés.

Sources : Money Talks : apuntes para un debate sobre el mercado del arte en Cuba, article d’Orlando Justo dans Rialta Magazine, traduit de l’anglais par Juan Manuel Tabío.

Voir aussi : withoutmasks.org, le site qui vous permet de contempler la collection d’art afro-cubain de Chris von Christierson, débutée en 2007 et forte aujourd’hui de plus de 450 œuvres.

Nance Frank Art in Cuba today. What kind of art will we be seeing…., article sur le site Vasari21,

fcbc.cu, le site du Fondo Cubano de Bienes Culturales et genesisgalerias.com, pour tous les détails (pas toujours très à jour) sur les galeries cubaines officielles.

Photo à la Une : El Trineo, Enrique Martínez Celaya, Bienal de La Habana, manifestation Detras del Muro, 2019.

6 réflexions sur « Cuba, un marché pour l’art ? »

  1. Je suis hautement intéressée par vos commentaires sur l’art cubain et son rayonnement dans le monde.
    Mercedes Chaveco

  2. Je viens d’inscrire mon amie Mercedes avec qui je suis en contact depuis des années. Elle connaît par cœur les deux grands musées d’art de La Havane. Et elle fréquente la Fábrica de Arte quand il s’y passe quelque chose.
    Léo, à Gatineau (Québec)

  3. Merci Mercedes ! J’adore le Museo de Bellas Artes de La Habana et toujours intéressée par apprendre de nouvelles choses sur l’histoire de l’art à Cuba ! Au plaisir d’une rencontre à Cuba (pas pour tout de suite malheureusement).

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