J comme Jineteros / Jineteras

Cavaler le touriste : c’est la traduction parfaite de « jineterismo », trouvée par Bernard Cohen, traducteur de Pedro Juan Gutiérrez.

En effet jinetero/jinetera signifie cavalier/cavalière, mais depuis… toujours peut-être, ce terme désigne à Cuba des personnes qui abordent les touristes pour chercher à en tirer un profit matériel.

Quand on songe à la différence abyssale de revenus, est-ce si étonnant ?

Cela peut aller de la bière offerte en échange d’un peu de conversation jusqu’à la relation sexuelle tarifée, en passant par des services imaginaires : Je te trouve le meilleur spot pour danser et tu m’invites toute la soirée ?

Santiago de Cuba, rencontre intergénérationnelle Europe-Caraïbes, 2012

Attention il faut distinguer les jineteros-as des travailleurs sexuels (personnes qui se prostituent) dans la mesure où les premiers ne sont pas des travailleurs sexuels à plein temps. Le Cenesex qualifie cette pratique de sexo transaccional. Nuance…

Résultat ? Dans les lieux de plaisir et de fête, il arrive que la frontière entre sincérité et opportunisme, voire entre opportunisme et prostitution, soit parfois (parfois !) plutôt floue à Cuba.

Les gros types à coups de soleil qui payent pour s’exhiber en soirée avec des jeunettes sublimes salissent l’humanité, c’est sûr. Et oui, il y a aussi un fantasme occidental concernant une sexualité débridée « à la cubaine ».

Derrière ce fantasme bien des touristes, hommes et femmes, jeunes et vieux, se réfugient pour s’autoriser des pratiques qu’ils n’auraient pas à la maison. Et même parfois en se persuadant qu’il ont fait une bonne action en améliorant le quotidien de leur rencontre d’un soir.

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Mais il y a des situations plus complexes à décrypter ou frisant le rocambolesque : Cela va de l’étudiant qui vous aborde pour parler français et finit par vous demander un T-shirt, au syndicaliste retraité de Martigues qui, après un premier voyage militant, retourne régulièrement sur l’île où il a maintenant une fiancée, laquelle est par ailleurs heureuse en mariage… avec un autre.

Anecdote croustillante : vous observez une étrange tablée où l’unique européen régale sa petite amie (30 ans de moins) et toute sa famille élargie. Vous vous dites que ça va lui faire cher… Mais sachez que pour échapper au soupçon de prostitution (sévèrement réprimée à Cuba), les jineteros-as ont une arme secrète : se montrer en public avec la famille et l’heureux élu.

Moi, jinetera ? Mais non voyons, c’est mon fiancé. D’ailleurs mes parents l’a-do-rent !


Photo à la Une : Jineterismo avéré dans un centre culturel très connu de la capitale cubaine, décembre 2019


Suite de l’abacédaire de l’espace public ici :

2 réflexions sur « J comme Jineteros / Jineteras »

  1. Un seul commentaire : voir le film de Laurent Cantet, Vers le Sud (2006) avec Charlotte Rampling, pour comprendre que la jineteria est un phénomène massivement masculin à Cuba, en réponse à la demande massive, majoritaire, des femmes touristes, comme à Haïti, même si l’on se complait à ne voir que les jeunes femmes et les gros monsieurs blancs (et rouges) qu’elles accompagnent, sans que l’on ne sache vraiment qui est la victime, s’il y en a une.

  2. Certes ce film (que je n’ai pas vu) est certainement très explicite, mais mes observations me conduisent à constater, depuis + de 10 ans, qu’il y a des jineteros/as des deux genres.

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