À l’aube de cette ultime journée dans la capitale cubaine, je décide de faire mienne la phrase de Robert Filliou « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » et je vais… à la plage !
En attrapant le premier bus sur le Parque Central, j’arrive à Santa Maria del Mar avant la foule, pour un bon chapuzón. Il est même tellement tôt que lorsque le plagiste se pointe pour me faire payer le parasol, je suis déjà rhabillée et prête à repartir en sens inverse.
À l’arrêt de bus le vendeur de jus de fruits a posé une décoration qui m’amène à m’interroger sur la valeur de l’art. Tout est-il vraiment dans le contexte ?
Ce ne sont pas mes pérégrinations dans Centro Habana qui me prouveront le contraire…
C’est dimanche, la plupart des galeries sont fermées, alors il me reste le spectacle de ces rues assommées de soleil où les passants déambulent entre palissades, stands de fritures et sublimes vestiges architecturaux.
Je fais le compte de ce que je n’ai pas vu : l’expo du Gran Teatro de La Habana (suis pourtant passée devant 10 fois), celle du Centro Wifredo Lam (traversée au pas de course avant la fermeture), celle du Centro Hispanoamericano de Cultura (elle était sur le Malecón et que je ne voulais pas y retourner).
J’ai aussi loupé les performances proposées au Taller Chullima parce que je me suis perdue en y allant, la performance Se USA de Luis Manuel Otero Alcantara parce qu’elle a été réprimée et d’autres performances un peu partout, parce que je n’avais pas l’info à temps. J’ai loupé l’expo des étudiants de l’ISA par peur d’aller si loin pour trouver porte close et les représentations de Acosta Danza parce qu’il fallait faire la queue 1 heure pour espérer obtenir un billet…
J’ai loupé les projets Farmacia à Pinar del Rio et Ríos Intermitentes à Matanzas, parce que l’aller-retour m’aurait coûté une fortune et enfin j’ai loupé les animations du Corredor Cultural de Línea et le Gala de Premiación du Concurso de Cabello Afro Natural Lo llevamos Rizo parce qu’ils ont eu lieu après mon départ.
Mais en ce dernier jour j’ai mieux à faire que des listes, car je vais calle San Isidro chez Yamilé et Osmay. On déguste un vrai festin en regardant la télé (une grande première pour moi, je vous en reparlerai) et en prenant des nouvelles des amis ici ou là.
Leur hospitalité me touche au cœur et puis Osmay, en vrai gentleman, me reconduit à la piquera pour m’aider à trouver un colectivo en moneda nacional.
Avant de faire mes adieux à la casa, je reste un moment à contempler le bord de mer, face à l’ambassade des États-Unis. Non loin d’ici, a eu lieu la performance La sangre de Caín de Carlos Martiel, avant qu’elle ne soit retirée de la programmation. D’ailleurs, il est interdit de se baigner et José Marti m’indique d’un geste vigoureux la direction de l’Europe. Il est temps de partir.
Au final, pour résumer cette semaine entre révélations et déceptions, je m’aperçois que tout est question de point de vue. À l’image du petit garçon représenté sur un mur aveugle par JR et qui a l’air de regarder juste dans la cour du voisin. En prenant de la hauteur, on comprend que son regard embrasse la ville entière.
À l’année prochaine !
À lire aussi (en anglais) pour plus d’infos sur les raisons pour lesquelles Tania Bruguera a préféré s’abstenir et Luis Manuel Otero Alcantara a été arrêté, plus de très intéressants points de vue sur les principales expositions de cette biennale : The Art of the Possible at Havana’s Bienal | by Esther Allen | NYR Daily | The New York Review of Books.
Image à la Une : JR, GIANTS peeking at the city, Havana, Cuba, 2019. Un dernier regard sur la Biennale de La Havane.