J’ai longtemps hésité avant de choisir l’image d’en-tête de cet article et puis finalement je vous épargne le pire. Étant partie pour écrire sur les toilettes à Cuba – synonymes aseos, baño, inódoro ou retrete… je suis tombée sur un article de l’excellente journaliste Conner Gorry traitant… des règles. Eh oui, dans la grande Île aussi.
Car certes, la question du manque de papier toilette à Cuba est amplement commentée dans les forums et conversations, impliquant donc de causer de ces fonctions naturelles et ô combien nécessaires du pipi et du caca. Mais le sujet de l’Origine du monde et de ses fluctuations cycliques est très peu commenté.
Or, Mesdames & Messieurs, il concerne tout de même une grande partie de l’humanité. La même qui souvent (pas toujours mais souvent) doit aussi se coltiner la propreté de ses beaux bébés, autrement dit changer les couches.
Les fluides corporels ou comment s’en débarrasser
Je traiterai donc ci-dessous d’installations et de fournitures nécessaires au confort et à l’hygiène de toutes et tous. Ceci vu depuis mon expérience de visiteuse mais sans oublier de citer les témoignages des personnes qui vivent à Cuba toute l’année.
3 types de cabinets + 1 hors concours
Comme évoqué sur la page B comme Baños, le premier séjour à Cuba est l’occasion de prendre conscience de la complexité des « toilettes » : Rien moins qu’une cuvette, une chasse d’eau + eau, une porte + loquet, un interrupteur, une ampoule + courant, du papier et si possible une corbeille et un lavabo + robinet sont nécessaires au soulagement de nos sphincters.
Mais dans les lieux publics à Cuba, tous ces éléments sont rarement réunis. L’hygiène n’est pas toujours au rendez-vous et pour couronner le tout, les portes sont souvent de type « western » ce qui vous oblige à regarder dans les yeux la personne suivante pendant que vous remontez votre culotte. Embarras…
Si vous louez une chambre dans une casa particular, changement de décor : les toilettes y sont toujours impeccables, parfois vintage mais souvent récentes, décorées de fleurs en tissu et admirablement propres. Bon, il y a un seau à disposition en cas de coupure d’eau courante, mais ça, vos hôtes n’y sont pour rien.
Ce grand écart entre espaces publics crado et lieux privés immaculés est l’un des mystères qui m’escorte à chacun de mes séjours (avec les horaires des galeries et la présence/absence du café Cubita).
Pour résumer, les WC sont à mon avis à classer en 3 catégories (cliquez sur les vignettes ci-dessus pour une description complète) :
- Les chiottes infâmes, notamment dans les relais routiers, débordant de m… et payants.
- Les folkloriques où manque la porte mais pas l’eau, ou vice-versa, à vous de vous adapter (restaurants, musées).
- Les futuristes avec douchette pour la toilette intime et compositions florales inspirées (casas particulares).
Et… totalement hors concours, les ineffables baños ecológicos que vous trouverez dans la rue en période de fête ou de carnaval. Personnellement je me suis bornée à les prendre en photo…
Des salles de bain inoubliables
Que ce soit clair, les Cubains ne rigolent pas avec la propreté corporelle et cela ne date pas d’hier. À l’époque où nos papys se lavaient à l’évier (et seulement dans les grandes occasions), les riches cubains bénéficiaient déjà d’installations d’hydrothérapie sophistiquées. Les autres utilisaient un cubo, procédé simple mais efficace toujours en usage dans certaines maisons. L’important c’est le lavage à grande eau !
Aujourd’hui, si l’on tient compte du fait que le savon, la lessive et le shampooing sont rares et chers à Cuba, on ne peut qu’admirer ces hommes et femmes aux T-shirts d’un blanc éclatant comme dans la pub, ces gamins qui vont à l’école impeccablement coiffés et ces colectivos bondés sans odeurs corporelles intempestives. Contraste : retrouver la bonne vieille odeur de France dans l’Orlybus est devenu une habitude, à chacun de mes retours…
En attendant, les salles de bains à Cuba ont tout pour plaire : des lavabos vintage style paquebot, des douches immenses et des carrelages magnifiques. Je déplore seulement une étrange mode des rideaux plastique ultra kitsch et parfois des pommes de douche chauffantes, avec fils électriques apparents, qui ne m’inspirent pas du tout confiance. Dans ces cas, vive l’eau froide !
Avoir ses règles à Cuba
L’État attribue à chaque femme en âge de procréer un paquet de serviettes périodiques par mois, accessible à bas prix avec la libreta. Mais les personnes concernées estiment que la quantité n’est pas suffisante et que la piètre qualité des produits ne les met pas en confiance pendant ces jours-là.
On note des plaintes au sujet de paquets incomplets – le fabricant et les distributeurs se rejetant la faute – et de modèles trop fins ou avec adhésifs au mauvais endroit (je vous fais un dessin ?). Ces serviettes au nom évocateur de mariposas sont fournies par l’unique producteur national, dont une des fabriques se trouve à La Havane (adresse sur demande).
« Por la izquierda » c’est à dire sous le comptoir, il est possible de s’en procurer à prix supérieur, ou alors d’aller en acheter dans les magasins en CUC, mais cette solution n’est accessible qu’aux riches.
En 2014 toute la Habana Vieja est tombée en panne sèche, si j’ose dire, ce qui a mis beaucoup de femmes dans l’embarras. Car en attendant le réapprovisionnement, les lunes succèdent aux lunes… Rappel : la libreta ne permet d’acheter que dans son quartier, dans les magasins où l’on est enregistré.
Il faut bien trouver des solutions, que je vous laisse imaginer. Quant aux tampons, ce sont des denrées rares. Et les coupes menstruelles, très en vogue en Europe, commencent à peine à arriver sur l’île. Je clos ce chapitre avec une étrange constatation : à l’été 2017, tous les produits d’hygiène féminine disponibles dans les magasins en CUC étaient importés du Vietnam.
Un peu de vocabulaire au cas où :
- Avoir ses règles : menstruar, tener su menstruación, tener el periodo.
- Serviettes périodiques, tampons : intimas, almohadillas sanitarias, tampones.
N’hésitez pas à demander car le sujet n’est absolument pas tabou en société.
Prendre soin de sa progéniture
Même type de soucis lorsque l’enfant paraît. La débrouille pour trouver des couches jetables, les ruptures de stock, les produits d’importation qui apparaissent ici et disparaissent là, les prix prohibitifs… Au point que beaucoup de jeunes cubaines citent ce problème comme l’un des motifs qui les retient de devenir mères. Car elles n’ont pas envie de retourner aux couches lavables (dans leur machine antédiluvienne ou à la main) même si c’est paraît-il beaucoup plus écologique.
Mais l’imagination humaine ne connaît pas de limites et tous les coups sont permis pour faire durer les précieuses couches (nommées poétiquement culeros ou pamper). Et effectivement il n’est pas rare de voir des couches « jetables » sécher sur la corde à linge. Je vous laisse visionner le tuto…
Le saviez-vous ? La ouate peut être rincée un grand nombre de fois, mais c’est l’élastique qui lâche en premier. Ah, vivement qu’il apprenne à passer sur le pot !
Dernière minute
On apprend durant la FIHAV 2017 (foire internationale de La Havane) que l’entreprise mixte cubano-italienne ARTHIS va fabriquer des couches à Mariel, port franc créé à l’ouest de La Havane pour attirer les investissements étrangers. Des couches fabriquées sur place, en 4 tailles enfant et 3 tailles adulte, à des prix qui seront – paraît-il – accessibles aux familles. Ne procréez pas tout de suite, la production ne commencera vraiment qu’en 2019 !
Sur ces considérations terre à terre, je vous laisse : j’ai une machine à étendre.
Photo à la Une : baño ecológico à Bayamo pendant le carnaval.
Articles en espagnol sur les serviettes périodiques : La ‘mariposa’ se ha perdido’ de las farmacias en La Habana (2014) dans MartiNoticias / ¿Como sustituir la almohadilla menstrual ? (2012) sur le blog de Tania Quintero / Almohadillas sanitarias: ¿Súper finas y con alas? (2017), article de Thalia Fuentes Puebla sur le site Cubadebate.
Article en anglais : That Time of the Month in Havana (AKA Periodo Especial), article de Conner Gorry dans This is Havana.
Notez que cet article contient un jeu de mots intraduisible sur le double sens du mot « periodo ».
Vos bons plans pour se procurer papier toilette, almohadillas et culeros sont les bienvenus en commentaires !
Comme d’hab : très bien documenté, magnifiques photos (celle de la une : » otros » m’interroge… » otro », d’accord, mais ce pluriel intrigue et laisse imaginer… de délicieuses turpitudes !).
Je suis d’accord avec toi, avec le manque de produits d’hygiène, les coupures d’eau, le délabrement des installations sanitaires (sauf celles qui sont destinées aux touristes, comme de bien entendu), la chaleur écrasante et la promiscuité dans les transports, comment font les gens pour être si propres et ne dégager au pire qu’une vague odeur d’eau de cologne Suchel (une des rares et anciennes productions d’Etat) ? Cela a toujours éveillé la curiosité… ah oui et aussi les femmes à poil sur les rideaux de douche, maniques et autres serviettes de toilette, dont les motifs sont issus d’un savant découpage de reproductions de toiles du Musée des Beaux Arts (pile poil sur la femme à poil !) et oui ! le gouvernement doit penser que c’est un moyen de démocratiser la cul- ture, bref cette île ne cessera jamais de nous étonner…
Ha ha ha je n’avais pas pensé à ton interprétation de « otros ». Pour moi c’est juste la pudeur de ne pas écrire « caca »… mais dans tous les cas je me demande comment ils contrôlent que l’usage correspond au tarif payé. Que de mystères…
Ha ha ha, ja ja ja plutôt ! comme on dit en cubain (peut-être dans tous les pays hispanophone…). Nouveau sujet : les onomatopées et expressions cubaines.
Besos
Merci pour ce moment de rires et de souvenirs!! 🙂
Nos vemos!
Ah oui on sent le vécu…
J’espère que vous allez toutes bien et j’espère un peu aussi voir une photo du libro fini, car j’aimerais bien écrire un article. Hasta pronto !