16 artistes contemporains cubains à 1 heure de chez moi, je n’allais pas louper ça. Par un beau dimanche d’automne, nous voici donc partis à Boissy-le-Chatel, où deux immenses fabriques sont investies depuis 10 ans par Galleria Continua.
Ici autrefois on travaillait de ses mains, on fabriquait du papier, on allait et venait dans le labyrinthe de couloirs desservant bureaux, ateliers et hangars. Depuis 10 ans, ce sont des artistes qui ont repris le mouvement et qui nous invitent à de nouvelles lectures de ces espaces.
Cuba mi amor !
Alejandro Campins, habitué aux grands formats, propose ici une dissémination de toiles minuscules qui résonnent singulièrement (et parfois malicieusement) avec l’esthétique et l’histoire du lieu.
Alejandro Campins, de la série Letargo, 2017, huile sur toile, 19 X 27 cm.Ivan Capote, installation à Galleria Continua Les Moulins, octobre 2017.Ivan & Yoan Capote, œuvre in situ à Galleria Continua Les Moulins, octobre 2017.
Ivan Capote partage son univers – où les matériaux industriels deviennent éléments de langage – avec son frère Yoan, dans une installation où l’alphabet de A à Z est arraché à un mur de parpaings. Dans une autre salle, Yoan Capote présente trois tableaux de la série Isla : vus de loin, le scintillement du soleil sur une mer agitée…
Mais en s’approchant on découvre un véritable rideau de fer composé de milliers de hameçons. Une image limpide de l’insularité subie, renforcée par un procédé de création forcément obsessionnel. Ces toiles sont tellement belles que je ne les ai pas photographiées : allez les voir !
Elizabet Cerviño a travaillé sur place à une installation magnifique (voir photo à la Une). Farallones, Testimonios de la brisa (Falaises, témoignages de la brise) évoque l’effet de l’air sur le fer et l’eau, dans une palette qui se fond totalement avec les couleurs déjà présentes dans ce hangar industriel.
Carlos Garaicoa installe son Jardin Japonés funèbre et zen dans une salle à part. Des fragments de colonne (car La Havane est toujours surnommée La Ville aux mille Colonnes, mais seulement dans les guides touristiques…) gisent sur le sable, veillés par des haïkus inscrits à même le mur. Détail qui m’évoque au passage les peintres en lettres de Cuba…
La certeza
de habitar
en un mundo de lagrimas
Memoria
Filiarana Oculta
donde hemos sido engañados
Carlos Garaicoa 2017 (extraits)
Carlos Garaicoa, installation Jardin Japones (fragment) à Galleria Continua Les Moulins, 2017.
La certitude
d’habiter
dans un monde de larmes
Mémoire
Filigrane Caché
où nous avons été trompés
Osvaldo Gonzalez Aguiar réalise un mur de lumière avec un matériau fort banal au demeurant : le scotch industriel. On s’aperçoit soudain qu’il ressemble étrangement à une pellicule cinématographique. Ce mur aurait-il des histoires à nous raconter ?
Osvaldo Gonzalez Aguiar, Muro, scotch et lumière fluorescente, à Galleria Continua, 2017.
Subjectivité de la visiteuse
Légèrement déstabilisée par l’étendue de l’expo, attirée par le chaud soleil qui baignait la pelouse, étourdie par de belles rencontres et conversations, j’en ai oublié de tout voir et tout photographier. Tant mieux, j’y retournerai.
Sachez toutefois que Leandro Erlich (amusante installation Le cabinet du psychanalyste), Leandro Feal, Celia Gonzalez & Yunior, Yonel Hidalgo, Luis López-Chávez, Yornel Martinez, José Mesías, Reynier Leyva Novo (série photographique Un día Feliz, 2016), Wilfredo Prieto et José Yaque sont de la partie.
Susana Pilar, performance à Galleria Continua Les Moulins, octobre 2017.
J’ai gardé pour la fin l’intervention de Susana Pilar. Une grande première pour moi, qui n’avais jamais assisté en direct à une de ses performances. Radicalité et humilité de la proposition, presque invisible au passant distrait… et pourtant si puissante. À la fin, il ne reste que quelques bris de miroir au sol et un souvenir imprimé dans la mémoire.
Photo à la Une : Elisabet Cerviño, Farallones, testimonios de la brisa, toiles réalisées à Galleria Continua et installation de sphères remplies d’eau pluviale, 2017.
Cuba ce n’est pas que la salsa, la playa et les T-shirts de Che Guevara. Serendipia propose un regard neuf sur la société cubaine et la création artistique contemporaine.