Prix à Cuba : l’Opéra de 4 sous…

Cuba se prépare à l’unification de ses deux monnaies ! De fait, on lit beaucoup dans les journaux que les prix baissent. Mais il s’agit uniquement des prix des produits de base, qui baissent un peu pour augmenter le pouvoir d’achat des citoyens cubains payés en pesos. Pour les visiteurs… c’est un autre sujet¹.

Ceci dit, c’est le moment ou jamais d’essayer de comprendre le casse-tête de l’économie domestique cubaine…


Pas familiers avec le système des deux monnaies ? Je vous conseille de consulter la page CUP & CUC avant de continuer la lecture de cet article. Tout ce qui suit est exprimé en pesos (ou monnaie nationale) et concerne le porte-monnaie des Cubains n’ayant pas d’autres revenus que leur salaire.


Alors, prêts ? Imaginez que vous avez 500 pesos en poche, le salaire moyen d’un travailleur de l’État, correspondant à peu près à 20 dollars. Plus difficile : vous êtes retraité, votre pension est de 200 à 300 pesos.

Première question : Que peut-on acheter avec 1 peso ? Et bien… pas grand chose. Peut-être 2 voyages en bus et le journal, si on le trouve au kiosque parce que dans la rue, c’est plus cher. Et en magasin ? Ils étaient vides en 2010 mais se sont remplis ces dernières années de produits hautement convoitables sur l’Île : des savonnettes à 5 pesos, du dentifrice à 8 pesos ou du liquide vaisselle à… 25 pesos soit 1 dollar, une fortune !

Matanzas, la bodega et sa célèbre ardoise, 2015.
Matanzas, la bodega et sa célèbre ardoise, 2015.

Au rayon nourriture ça se complique : il y a les prix de la bodega, où les produits sont bon marché mais rationnés (et parfois absents), et les prix prohibitifs du marché « libéré » où l’approvisionnement est également aléatoire.

Faire son marché

Alors au quotidien, qu’est-ce qu’on peut se mettre sous la dent avec un billet à l’effigie de José Marti ? À condition bien sûr d’avoir une libreta et d’être inscrit dans la bodega de son quartier…

20 pains (si on a une famille de 20 personnes et la libreta correspondante) ? Ou encore 4 livres de sucre par mois, ou 9 œufs. Bien que chaque consommateur n’ait droit qu’à 5 œufs par mois, sauf à opter pour les produits « libérés » à 1,10 pesos l’unité, soit 33 pesos la plaque.

Haricots noirs ? 12 onces (ration mensuelle, équivalente à 340 grammes) coûtent 85 centavos (centimes de peso) et le poulet, qui est distribué 2 fois par mois en général, 70 centavos la livre. À moins d’opter pour le pollo por pescado, ce qui permet d’obtenir du rab. Ça vous paraît compliqué ?  Armez-vous de votre calculette car ce n’est pas fini :

Le riz, indispensable, coûte 3 pesos les 7 livres (ration mensuelle pour un consommateur) dans une bodega ou 4 pesos au marché libéré. Et le café ? On le croirait en voie de disparition car à 4 pesos le petit paquet de 4 onces (ou 15 pesos au marché libéré), ça fait cher le petit déj’. L’huile (soja ou tournesol) est vendue en petites bouteilles de 200 millilitres à 20 centavos . Quant à l’huile d’olive on oublie, elle est vendue plus cher qu’en France…

Bon c’est pas tout ça mais on aimerait bien mettre un morceau de viande sur la table : le porc des agros vous coûtera 30 à 40 pesos la livre, le mouton un peu moins et pour le bœuf, direction les magasins en CUC où il vous devrez débourser 2,4 CUC (60 pesos) pour 1 livre…

En pleine croissance

Les enfants des années 60 demandaient 20 centavos à leurs parents pour s’acheter une confiserie à la sortie de l’école. Aujourd’hui comptez 5 pesos pour la même chose. Une sortie en boîte coûtera au minimum 125 pesos, payables en CUC d’ailleurs car ces lieux sont fréquentés par Cubains et touristes. Quant à la table des Quinceaños, elle représente des années d’économies à moins que le cousin d’Amérique ne participe aux réjouissances.

Baracoa, les sucreries à la sortie de l'école comme partout ailleurs, 2012.
Baracoa, les sucreries à la sortie de l’école comme partout ailleurs, 2012.

Malades ou âgés

Les personnes malades ou âgées ont droit à des rations supplémentaires à la bodega, mais ne peuvent pas toujours assumer le coût de ces produits de luxe que sont le lait en poudre (60 pesos les 500 grammes) et les viandas ou fruits frais, bien qu’ils aient effectivement baissé récemment. Là encore, les revenus complémentaires se font indispensables.

Des prix qui baissent, mais…

Si votre calculette ne vous est pas tombée des mains, vous avez compris qu’à ce rythme les 500 pesos du début ne vous mènent même pas au 15 du mois… Alors que certains travailleurs (de la santé et de l’éducation) ont vu leurs salaires augmenter récemment, la plupart attendent avec crainte la disparition de la libreta qui ira forcément de pair avec l’unification des deux monnaies.

Cette baisse des produits de base – beaucoup de bruit pour quelques pesos – ne compensera que faiblement leur perte de pouvoir d’achat, dans un contexte où  l’économie familiale est déjà un vrai casse-tête…


¹ Lire l’article Notre argent à La Havane pour avoir une petite idée de votre pouvoir d’achat en tant que visiteur.

Ce texte est une adaptation de ¿Cuánto compra un peso cubano? , un article de PIlar Montes dans Havana Times en Español. Merci !

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *