À l’image de Nelda Castillo, directrice du Ciervo Encantado, tout le monde s’active à La Havane pour le Festival de Teatro biennal qui démarre fin octobre. À la fois vitrine des compagnies cubaines et porte ouverte sur le monde, il adopte cette année le mot d’ordre Teatro Sociedad Resistencia.
Plus de 50 propositions et 13 pays invités : autant d’interprétations possibles de cette capacité qu’auraient les arts scéniques à convoquer la société toute entière sur les plateaux. Car « faire du théâtre » en République Dominicaine ou en France, au Chili ou en Norvège, sont des expériences radicalement différentes. Les spectateurs seront donc invités à laisser leurs catégories au vestiaire pour profiter pleinement de ces 9 journées de festival.
Mode d’emploi du spectateur à La Havane :
- Où trouver le programme ?
Vous ne trouvez pas la brochure papier ? Photographiez les affiches apposées à l’entrée des théâtres. Ou consultez La Papeleta. Attention nous sommes dans un pays peu connecté, donc les mises à jour ne peuvent pas se faire en temps réel.
- Comment acheter un billet ?
Je me répète, nous sommes dans un pays peu connecté. Oubliez la billetterie en ligne et rendez-vous au guichet de chaque salle à partir de 14h (ou 17h, selon), puis revenez à l’heure du spectacle.
Pas pratique ? C’est que, festival ou pas, les salles sont gérées par leur personnel permanent, qui a des horaires fixes. Admirez les organisateurs qui font des merveilles dans des conditions assez éloignées de ce que nous connaissons en Europe. Bon… lors de l’édition 2015 j’ai fait le pied de grue devant un Teatro Buendia désert et j’ai un peu râlé quand même…
- Quel prix payer ?
Normalement les visiteurs paient autour de 10 CUC dans une des salles de la calle Linea. Cela peut aller jusqu’à 30 CUC dans des salles prestigieuses comme le Gran Teatro. Ayez la somme exacte sur vous ou… assistez, médusés, au one man show bien rodé du guichetier : « Je n’ai pas la monnaie ». Un grand classique qui peut durer un moment et mobiliser 2 ou 3 collègues.
Les Cubains paient 10 pesos en monnaie nationale. Vous pouvez tenter toutes sortes de stratagèmes pour bénéficier de ce tarif, à condition bien sûr d’avoir des CUP sur vous. Après tout, nous sommes dans un festival de théâtre. Mais si vous êtes démasqués, pensez au prix d’un abo au Théâtre de la Ville… et acquittez-vous du prix « touriste » avec le sourire.
- Vous ne pigez pas l’espagnol ?
Moi non plus quand c’est du « cubain » truffé de private jokes. Mais qu’importe, allez voir El Publico car les mises en scène de Carlos Diaz sont toujours un plaisir pour les yeux et l’esprit, même quand on ne comprend pas tout. Le festival est largement ouvert à la danse contemporaine, profitez-en. Et puis le spectacle est parfois aussi dans la salle !
- Vous avez aimé ?
Dépêchez-vous d’applaudir. En effet sous ces tropiques étonnantes, les compagnies ne saluent qu’une fois et ne font pas de rappel. Quant au public, il s’enflamme comme une allumette mais quitte la salle immédiatement, pour se retrouver sur le trottoir à boire des bières à la fraîche.
Voici un avant-programme (sous réserves de changements) des réjouissances :
Scènes internationales
L’Effet de Serge de Philippe Quesne représente la France (27, 28 et 29 octobre au Mella). J’aimerais bien être une petite souris pour voir comment les spectateurs cubains apprécieront l’esthétique « less is more » de Philippe Quesne, son humour tout en pudeur et son sens de la durée.
Ajoutez-y Entropic Now (work in progress) de Christophe Haleb / La Zouze, un projet entre Cuba, Martinique et France métropole, présenté dans le off au Teatro Fausto (sur le Prado). les 27 et 28 octobre.
L’Espagne est présente avec Retablos de la vergüenza d’Arantxa Iurre/Tepsis et la Norvège envoie la Jo Strømgren Kompani (danse contemporaine) avec There, une histoire de dissidents coincés entre Est et Ouest… Du Canada arrive le Théâtre de la Pire Espèce (marionnette-théâtre d’objets-clown-cabaret) avec Monigote en papel carbón.
Mais c’est l’Amérique Latine qui fournit le gros des troupes : La Compania Nacional de Danza Contemporánea (dirigée par la cubaine Marianela Boán) représentera la República Dominicana voisine. D’Argentine arrivent En el viento aire puro de Lautaro Lamas/Chakarunas (théâtre) et Lupa, Mundos para mirar de Javier Lester/ Abalsamo Lupa (marionnettes).
Du Chili, Inútiles d’Ernesto Orellana/Teatro de Sur. Du Mexique, La arquitectura del Silencio d’Agustín Meza/Teatro del Guetto. Du Brésil, La razón blindada d’Alexandre Kavanji/Cía. Paulícea de Teatro. Et d’Uruguay : No hay Flores en Estambul d’Iván Solarich.
Sélection nationale
El Ciervo Encantado propose Guan Melón! ¡Tu melón!! (20, 21 et 22 octobre) et Departures (24, 25 et 26 octobre) de Nelda Castillo. Mention spéciale pour cette compagnie qui anime une petite salle hors du circuit classique, dans laquelle il se passe toujours des choses intéressantes !
Argos Teatro reprend Diez millones de Carlos Celdrán. El Público reprend Harry Potter: se acabó la magia (du 20 au 25) et Así que pasen cinco años (du 27 au 29) de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Carlos Díaz, mon idole. Osvaldo Doimeadiós présente La Cita (humour) au Teatro Bertolt Brecht et le Teatro Buendía joue Éxtasis de Flora Lauten & Eduardo Manet.
Le festival est aussi l’occasion de découvrir les compagnies qui œuvrent hors de la capitale : le Teatro La Rosa (Villa Clara), Trébol Teatro (Holguin), Teatro del viento (Camagüey), Mariam Montero Project, Jazz Martínez Gamboa, Cabotín Teatro (Sancti Spiritus), Alas D’ Cuba (Granma), Teatro La Fortaleza (Cienfuegos) et le légendaire Teatro de los Elementos, installé dans l’Escambray où il développe un travail de terrain avec les habitants de ce territoire montagneux.
Du côté du off
Cette section suggère la prise de risque – et pourquoi pas ! avec Baquestritbois par Osikán Plataforma Escénica Experimental et d’autres surprises dans des lieux aussi inattendus que l’Edificio Serrano…
Le tout est complété par des propositions pour l’espace public et une sélection des spectacles à voir en famille.
Bon festival !
Cliquez ci-dessous pour un programme en PDF tel que publié le 16 octobre. La rédaction vous conseille vivement de vérifier toutes les infos avant de vous lancer !
Bien entendu c’est tellement copieux que vous ne pourrez pas tout voir, à moins d’être un.e pro et d’avoir un bon guide. Alors laissez-vous guider par votre intuition, faites une pause plage, bref profitez de la vie à La Havane, sans oublier un tour dans Huellas de transgressiones, l’expo des costumes du Teatro El Público et bien sûr les soirées à la FAC, qui s’achèvent à point d’heure.
Le visuel du festival et la vidéo de promo sont l’œuvre du jeune designer Omar Batista Jimenez que vous pouvez suivre sur son profil FB.
Photo à la Une : Nelda Castillo, teatro El Ciervo Encantado. Photo piquée sur la page FB El Ciervo Encantado. Gracias !