Pourquoi l’Avenida 26 et pas une autre ? Parce qu’elle traverse las Alturas del Vedado (traduit tel quel : Hauteurs de l’Interdit…) ou parce qu’elle commence à la Fuente Luminosa et finit à la Fábrica ? Parce que Calle 13 c’était déjà pris ? Ou par simple besoin de sortir de cette Havane étouffante pour aller respirer l’air pur des quartiers excentrés ? Tout ça à la fois !
Note préliminaire : Avenida et Calle 26 se confondent en une seule et même artère du Vedado. Changement de catégorie au croisement de la Calle 41. Je n’ai jamais compris la logique qui veut que certaines voies soient appelées avenida et d’autres calle, alors vos contributions sont bienvenues.
Mais démarrons cette ballade. Un colectivo m’a laissée devant la Ciudad Deportiva, encore auréolée du concert des Rolling Stones du 25 mars 2016. Les autres passagers continuent jusqu’à l’aéroport par Rancho Boyeros.
L’Avenida 26 se présente majestueusement avec ses 2 X 3 voies séparées par un terre plein. Tout de suite sur la gauche se trouve l’accès au Parque Forestal Metropolitano. Petit détour pour aller y voir le skatepark dont j’ai tellement entendu parler.
Hélas aujourd’hui il ressemble plus à un jardin en mouvement de Gilles Clément qu’à un haut lieu du sport urbain. Un graffiti m’indique que « Amigo Skate was here » mais cela n’a pas suffi à décourager les plantes aquatiques qui colonisent les cuvettes… Ceci étant, le Parque Forestal, avec ses 21 hectares de bois, flore et faune, est une super option pour se mettre au frais sans quitter la capitale.
De retour sur l’avenida on tombe sur le Centro Commercial Puentes Grandes. Un de ces lieux où l’on entre dans l’espoir de trouver ce qui ne se montre pas ailleurs : du papier WC, du lait, du shampooing, una batidora… et effectivement tout ça est rangé sur les étagères mais défendu par des étiquettes de prix qui relèvent de la science fiction pour la plupart des Cubains.
Fouille à la sortie comme il se doit, et retour à la fournaise de l’avenue. Une bizarre impression d’urbanisation inachevée : ici les voies latérales sont presque des chemins de campagne, à peine goudronnés, où les habitations restent cachées sous la verdure.
La pente se fait plus raide et bientôt voici le Zoologico de 26, aussi pelé et poussiéreux que la plupart des zoos urbains. Mais en face se trouve un bâtiment beaucoup plus intéressant, que vous connaissez sûrement : le terminal des bus Viazul ! Souvenirs, souvenirs : la salle d’attente, la cafeteria et les chiottes, la nuée de taxistas pugnaces… et enfin le départ vers Viñales ou Trinidad.
Soudain ça me revient : cette Avenida 26 fut ma première promenade – forcée – lors de mon premier séjour en 2010. Dès potron minet, arrivée au terminal en taxi depuis ma casa du Vedado, pour m’apercevoir que la caissière n’acceptait que le liquide (CB « en reparación »)…
J’ai parcouru l’avenue à la recherche d’un distributeur, mais devant celui-ci : « no hay » c’est à dire pas de courant, apagon quoi. Depuis la Fuente Luminosa j’ai dû marcher jusqu’à la Plaza de la Revolución pour trouver – enfin – une cadeca dans le terminal des bus Astro. Ce fut mon baptême de Cuba…
L’avenue entame une série de larges courbes où notre goût de l’architecture va chavirer. À notre droite, une colline et à notre gauche les rues qui surplombent les berges du rio Almendares. Nous sommes dans le quartier Alturas del Vedado, où dans les années 50 les gens de la haute se faisaient construire de hautes demeures par des architectes de haute volée.
Plaisir des yeux et sensation étrange : on se croirait presque dans un quartier chic de la Côte d’Azur à l’heure de la sieste. Si certains bâtiments n’étaient pas investis par des administrations bien cubaines…
Tracée à la fin des années 40, période de forte influence nord-américaine, l’Avenida 26 était destinée à fluidifier le trafic automobile en reliant le Vedado à Marianao et Rancho Boyeros. Les quartiers Nuevo Vedado et Alturas del Vedado ont surgi de terre autour de cette avenue. C’est pourquoi on y trouve toute la gamme des constructions des années 50, une mine pour les amateurs d’architecture !
La Calle 26 accuse 1 siècle de plus : elle date de l’élargissement de la ville entamé en 1859, connu plus tard sous le nom de Vedado. L’époque le voulait : ce quartier est contemporain de l’Ensanche de Barcelona, entre autres. Longtemps, le Cementerio Colon marqua la limite du Vedado. Au-delà, entre le Rio Almendares et El Cerro, le terrain était majoritairement rural ou boisé.
Au sommet de la courbe se trouve notamment un bâtiment qui arbore l’enseigne CUBACONTROL S.A. « Servicios internacionales de supervisión ». Quel est l’objet du contrôle ? Mystère. En tout cas l’emplacement est bien choisi !
L’Avenida 26 reprend son cours rectiligne, flanquée sur la gauche par la magnifique station service Acapulco et sur la droite par le cinéma du même nom, au même logo profilé années 50. Au programme aujourd’hui : El Techo, film cubain de Patricia Ramos, en sortie nationale. La salle propose aussi des animations le week end : rancheras le samedi et ambiance disco le dimanche après-midi.
À peine plus bas s’ouvre le Parque Acapulco. En fait son vrai nom c’est Ho Chi MInh, mais il semble que la greffe n’ait pas pris, les gens du quartier l’appellent toujours du nom de la ville mexicaine qui fait rêver. Et les gamins s’y entraînent au skate, sous l’ombre épaisse des arbres centenaires.
Après le parque nous bifurquons à gauche pour essayer de repérer le studio de Los Carpinteros, où se tient une expo de mobilier design. Porte close… Dommage mais le détour valait le coup d’œil : dans ce quartier ultra confidentiel, les villas années 50 au dessin exquis côtoient quelques constructions flambant neuves, surchargées de grilles, escaliers, tourelles et encore des escaliers.
Heureusement en se perdant du côté de la calle 30, dont le tracé épouse les courbes du fleuve en contrebas, on se fait une idée de ce qui composait le quartier avant : de grosses maisons de campagne, cernées de quiétude et de verdure. Aujourd’hui elles sont surpeuplées.
Fin de la digression et retour Calle 26 : voici le Cementerio Chino, minuscule dans l’ombre de son voisin le géant Colón. La visite de cette enclave chinoise se fait librement, mais le gardien partage volontiers ses connaissances sur le sujet. Symboles chrétiens, francs-maçons et bhouddistes cohabitent sur les pierres tombales, entre lions assis et hommages aux héros des guerres d’Indépendance.
La descente continue après le carrefour de la Calle 23 et nous entrons dans le tracé régulier du Vedado où alternent maisons individuelles de styles divers et immeubles collectifs plus ou moins bien entretenus.
Cette partie de la ville regorge de restaurants et lieux culturels nouvellement installés. Je recommande Cuba LIbro, une librairie – salon de thé créée par une journaliste États-Unienne qui n’avait pas attendu Barack pour travailler au rapprochement entre les peuples. Meilleur hibiscus glacé (ici on dit Jamaïca) de la ville et ambiance amicale.
Avec le Malecón en ligne de mire, la densité de population augmente. Le carretillero du coin de la rue côtoie la Tienda Panamericana (commerce en CUC) qui a aussi beaucoup de succès.
Allez, une dernière curiosité architecturale avec cet immeuble tout en cage d’escalier et déjà se profile un bâtiment dont la silhouette est désormais connue des clubbers around the world. C’est la Fábrica de Arte Cubano, qui marque la fin de la Calle 26 ! De jour, sans son cordon de jeunes emos, frikis et mikis qui attendent d’y entrer pour faire la fête, elle retrouve son caractère de bâtiment industriel du siècle passé.
Mais il est encore tôt alors arrivés là, 2 possibilités : prendre le Puente de Hierro et aller visiter Miramar (je vous en cause bientôt) ou retourner vers le centre en longeant la Calle Linea. Toute une histoire aussi celle-là, mais ce sera pour l’année prochaine !
Sources de documentation historique : l’excellent site Urban Networks et le précieux blog Secretos de Cuba.
Photo à la Une : station service Acapulco, ode à la vitesse automobile, symbole de l’Avenida 26 et du quartier Alturas del Vedado !