Une enclave cubaine sur une île que l’on atteint en bateau, depuis la Cité des Doges : Vous avez jusqu’au 24 novembre pour découvrir cette étrange mise en abîme proposée à la Biennale de Venise.
Sous le titre générique Entorno aleccionador (que je traduirais dans ce contexte par « un environnement qui donne à réfléchir »), le pavillon cubain de la Biennale expose trois artistes contemporains : Alejandro Campins, Ariamna Contino et Alex Hernández, qui chacun à sa manière posent un regard révélateur sur le monde matériel et naturel qui les entoure.
L’Île dans l’île
On accède à l’île de San Servolo en bateau, ce qui nous change de l’aéroport José Marti, me direz-vous. En à peine 10 minutes de traversée, le brouhaha touristique laisse place à un silence ouaté, lorsque l’on pénètre sur cet ilot cerné de hauts murs de briques. L’endroit ressemble plus à un campus anglo-saxon qu’à une enclave latino-américaine mais pourtant, soudain, voici le « padiglione Cuba ».
On est face à un immense format d’Alejandro Campins, un de ces « paysages avec bunkers » de la série Letargo (2017), déjà vu ici ou là mais particulièrement à sa place sur une île méditerranéenne.
Si comme moi vous avez passé une grande partie de vos étés d’enfance à jouer autour de blockhaus abandonnés en bord de mer, vous partagez certainement cette sensation d’étrange familiarité, en présence de ces toiles XXL.
Dans la salle voisine, Ariamna Contino fait Pénitence, une installation qui nous incite à réfléchir aux ressources naturelles utilisées pour « faire de l’Art ». Elle met donc face à face – ou plutôt feuille à feuille – un de ses tableaux de papier découpé avec autant de virtuosité que de délicatesse… et sa contrepartie : une mini-forêt de jeunes arbres qui, devenus adultes, pourraient fournir la quantité exacte de pâte à papier nécessaire à la réalisation de l’œuvre qu’ils contemplent.
Adultes, ils ne le seront jamais car nulle main verte n’est passée les arroser depuis le vernissage. Mais tout n’est pas perdu car à là fin de la Biennale, autant de nouveaux bouleaux seront plantés lors d’une performance participative. À suivre…
L’Homme aux abeilles
Enfin voici l’installation Estado Natural d’Alex Hérnandez, qui se présente en quatre sections complémentaires : les ruches, les rayons, les références externes et une vidéo témoin. À vous de reconstituer un récit.
Il s’agit d’une expérience pour modifier les structure des ruches de ces fameuses abeilles cubaines (fierté nationale soit dit en passant) : Que se passe-t-il lorsque l’on remplace les cellules hexagonales où elles stockent le miel, par d’autres structures abstraites, créées par les humains pour organiser leur vie sociale ?
Rien. Elles ignorent les nouvelles formes et reconstruisent leurs cellules, connues depuis des millions d’années ! L’intelligence humaine a trouvé là un sérieux concurrent dans le règne animal… Ou pour le dire autrement : L’ordre venu d’en haut est concurrencé par le réseau de relations horizontales que les abeilles entretiennent entre elles.
Cette recherche pour remonter à l’origine des motifs répétitifs qui structurent nos vies, se présente visuellement de la façon la plus simple et honnête possible, comme une démonstration dont la limpidité atteint une dimension poétique.
Quant à sa portée politique, elle est évidente.
A Cautionary Environment / Entorno aleccionador :
Commissaire Norma Rodríguez Derivet, Consejo Nacional de Artes Plásticas.
Curatrice : Margarita Sanchez Prieto.
Artistes : Alejandro Campins, Alex Hérnandez, Ariamna Contino (Cuba), Eugenio Tibaldi (Italie).
Où : Padiglione Cuba, isola San Servolo
Dans le cadre de la 58e Biennale de Venise.Pour en savoir plus sur…
Alejandro Campins : alejandro-campins.com
Alex Hernández : alexhernandezart.com
Ariamna Contino : ariamnacontino.comAlex Hernández et Ariamna Contino travaillent souvent en duo, voyez les récents articles Journal de biennale : lundi des trous dans le mur et Journal de Biennale : Vendredi miroirs pain et 16 mm où vous retrouverez leur participation à la dernière Biennale de… La Havane.
Photo à la Une : capture d’écran de la vidéo contenue dans l’installation d’Alex Hernández Estado Natural (2018-2019) : des abeilles et des hommes…