Nous sommes tous – des enfants d’immigrés – première, deuxième, troisième génération ! Vous vous souvenez de ce slogan ? L’adaptation cubaine donnerait à peu près ça : Nous sommes tous – des enfants de héros – première, deuxième, troisième génération !
Granma, les trombones de La Havane, pièce signée par le Suisse Stefan Kaegi, met en scène cette troisième génération , ces petits-enfants devenus adultes, qui se coltinent le quotidien cubain avec plus ou moins de bonheur, de distance et d’amour.
Stefan Kaegi, membre du collectif européen Rimini Protokoll, opère selon un… protocole bien huilé : rechercher le théâtre dans la réalité et vice versa. En clair : s’immerger dans un territoire, repérer des « experts du quotidien », leur donner la parole et les propulser sur scène. Le résultat est un théâtre documentaire passionnant qui transforme votre voisine de palier en héroïne !
Pour son étape cubaine, il fait théâtre des récits de vie de quatre jeunes cubain-e-s, en dialogue avec leurs grands parents – ceux qui ont vécu l’épique Revolución en direct. Images d’archives, trombones, machine à coudre, ventilateur soviétique, drapeaux et même une bouteille plastique qui s’improvise batte de beisbol, soutiennent les narrations croisées.
4 points de vue sur une utopie
Daniel est le petit fils de Faustino Pérez, qui s’était embarqué sur le Granma en 1956. Le noyau dur des héros de la Revolución ! En récompense de sa geste héroïque, il fut « Ministro de Recuperación de Bienes Malversados » (ministre de la récupération des biens mal acquis, sic) puis ambassadeur dans un pays frère, pour finir sa carrière à un modeste poste aux Eaux et Forêts… mais en possession de deux précieuses Lada.
DEUX LADA ??? s’exclament les autres, dont les grands-parents ont été diversement remerciés par le régime.
Milagro a été élevée par sa grand-mère, couturière et membre du PCC, qui lui a transmis des valeurs auxquelles elle reste fidèle. Diana avait un grand-père musicien, de cette génération qui devait s’affubler de chemises à volants pour jouer dans les grands hôtels. Et Christián ? Lui qui joue si bien à la pelota voulait être militaire mais ça n’a pas marché. De son grand-père admiré et adoré, il dit « creo que el merece mas » : je crois qu’il méritait mieux.
Ces petites histoires entremêlées construisent peu à peu le spectacle et déroulent, au passage, un inventaire des idées reçues de ce côté-ci de l’Atlantique…
Idée reçue n° 1 : Les cubains sont forts en beisbol. Vrai !
Christian est un bateador de première, qui peut renvoyer n’importe quelle pelota jusqu’au dernier rang des spectateurs. Méritoire, dans la mesure où sa batte est une vulgaire bouteille plastique…
Idée reçue n° 2 : les Cubains ont la musique dans le sang. Faux !
Des quatre interprètes, une seule est musicienne. Ses camarades ont appris les rudiments du trombone pendant le processus de création du spectacle. Et ben, ils se débrouillent comme vous et moi…
Le trombone, ici, ne nous fait pas chavirer par la qualité du son mais fonctionne plutôt comme l’expression physique d’une volonté : celle de repousser l’horizon, voire de souffler dans les bronches de l’ordre établi.
Prochaines représentations en France : Théâtre de la Commune d’Aubervilliers en décembre, dans le cadre du Festival d’Automne. Précipitez-vous !
Granma, les Trombones de la Havane
Concept et mise en scène : Stefan Kaegi
Scénographie : Alijoscha Begrich
Vidéo : Mikko Gaestel
Musique : Ari Benjamin-Meyers
Dramaturgie : Alijoscha Begrich, Yohayna Hernández Gonzalez
Collaboration vidéo : Marta María Borrás
Direction technique/lumière : Sven Nichterlein
Traduction : Meret Kündig, Franziska Muche, Anna Galt, Marta Vukovic, Adrien Leroux (Panthea)
Leçons de trombone : Yoandry Argudin Ferrer, Diana Sainz Mena, Rob Gutowski
Recherches sur Cuba : Residencia Documenta Sur coordonnées par le Laboratoire Escénico de Experimentación Social Maité Hernandéz-Lorenzo, Karina Pino Gallardo, José Ramón Hernández Suárez, Ricardo Sarmiento Ramírez, Taimi Digéz Mallo et Miriam E. González Abad
Avec : Daniel Cruces-Pérez, Milagro Alvarez Leliebre, Christián Paneque Moreda, Diana Sainz Mena
Production : Rimini Protokoll – Maxim Gorki Theater
Co-production : Théâtre Vidy-Lausanne – Emilia Romagna Teatro Fondazione – Festival d’Avignon – Festival TransAmériques – Kaserne Basel – Luganoinscena/LAC – Onassis Cultural Centre – Zürcher Theaterspektakel
Avec le soutien de : German Federal Cultural Foundation – Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture – Senate Department for Culture and Europe – Goethe-Institut Havana.
Durée : 2hPhoto à la Une : Granma. Les trombones de La Havane. Photo Rimini Protokoll, droits réservés.