On vous a déjà proposé une belle tranche de papaya avec un sourire en coin ? Normal, à Cuba ce mot désigne le sexe féminin…
Eh oui, dans la grande île des Caraïbes (ainsi que paraît-il au Pérou et au Mexique mais je n’ai pas vérifié par moi-même), la papaya c’est ce qu’on appelle sous d’autres latitudes minou, concha, figa… quelle imagination !
Quant à Carica papaya, fruit du papayer, il a bien fallu lui trouver un nom plus passe-partout : ce sera fruta bomba. Sympa je trouve, comme association d’idées !
Puissance du langage, ou théorie des signatures, il flotte toujours autour de ce fruit un chaud parfum de sensualité, notamment dans les toiles d’Amelia Peláez…
Faux-amis, vrais jeux de langage
Cette papaya explosive est le faux-ami franco-cubain le plus connu mais il en existe un paquet. Restons dans le domaine botanique et voyez par exemple le melón :
Un melón est :
A > un melon
B > une tendance à se prendre pour Dieu, suite à une promotion
C > une pastèque
Gagné ! La bonne réponse est « pastèque ». Et le melon de chez nous alors ? Et bien, c’est qu’on n’en trouve pas à Cuba…
Minuta : à Cuba (et en République Dominicaine), la minuta est une portion de poisson pané. Par conséquent, si on vous propose un « pan con minuta », n’allez pas vous imaginer qu’il vous sera servi sur le champ. On n’est pas au pays du fast food et cela prendra autant de temps que pour le reste… mais le résultat est très joli et super bon.
Mango : Le nom est masculin mais à part ça il n’y a pas de piège particulier. Il s’agit bien d’une mangue. Miam. C’est dans les expressions composées que ça se complique…
Car si vous entendez l’expression « arroz con mango », sachez qu’il s’agit d’un désastre, un bordel, une catastrophe. Mais « un mango », c’est… un beau mec. Pas de problème donc à le traiter de mangue, tant que vous laissez l’arroz de côté ! Essayez la même chose en France et vous m’en direz des nouvelles.
Bonjour les contresens
Après ce repas quelque peu chamboulé, je vous propose une petite incursion dans le monde embarrassant de la gaffe commise par maladresse ou mauvaise maîtrise de la langue. J’en connais un rayon malheureusement.
Débil : N’allez pas vous offusquer si on vous qualifie ainsi. Votre interlocuteur pense simplement que vous manquez de force physique. Un sens que l’on retrouve dans l’adjectif français « débilitant » : qui ôte toute force. Maintenant, c’est pas une raison pour le laisser jouer les gros bras…
Rato : Mystère des masculins et féminins qui circulent d’un idiome à l’autre, un rato, en espagnol, c’est un petit moment. Quant à la rata, c’est un rat, comme dans la chanson rata de dos patas, aux paroles bien trempées. Prenez un rato pour l’écouter, elle vaut le détour avec son lot d’insultes fleuries et animales :
Sin embargo : mon préféré, celui-là. Malgré les apparences, ça n’exprime pas le souhait de mettre fin à cette situation politico-économique intenable – l’embargo Étatsunien qui frappe Cuba – mais c’est simplement un mot courant qui signifie « cependant » ou « toutefois ».
D’ailleurs les Cubains connaissent l’embargo sous le nom de bloqueo, bien plus explicite. Sin embargo… il y a quand même un lien puisque le mot embargo, en français, vient de l’espagnol embargar : embarrasser, placer sous séquestre. On tourne en rond, là…
Armement des toboggans
Equipaje : Allez, pour finir, une méprise courante à l’aéroport. Vous errez depuis un moment à la recherche du comptoir d’enregistrement des bagages ? C’est que vos bagages français (pluriel) sont un equipaje (singulier) en espagnol.
Quant à l’équipage de votre avion, il se nomme tripulación, ce qui me fait toujours bien marrer. On espère juste que le vol se passera sans trop de tribulations…
Vous aussi, vous avez repéré des faux-amis franco-cubains ? Ils seront les bienvenus dans les commentaires de cet article. Lancez-vous !
Voyez aussi le merveilleux site tubabel.com qui recense les usages régionaux des mots castillans dans tous les pays d’Amérique Latine. Une mine !