C’était pourtant simple : des années 60 jusqu’à 2010 il était interdit de vendre ou d’acheter un logement à Cuba. Aujourd’hui, les agences immobilières fleurissent et l’État vend aux citoyens des logements inachevés, à condition que ceux-ci finissent le travail. Entre ces deux extrêmes, que s’est-il passé ? Et nous, visiteurs qui lorgnons sur ces magnifiques appartements vintage « avec travaux à prévoir », pouvons-nous acheter ? C’est le moment de faire le point, en commençant par un bref retour en arrière.
Après 1959…
Les cartes sont rebattues et des milliers de logements « vacants » (dont les anciens propriétaires sont partis vers le nord) sont attribués aux familles de travailleurs. Mais cela ne suffit pas à enrayer la pénurie… pas plus que les immeubles construits entre 65 et 75, puis dans les années 80. On les reconnaît facilement dans le paysage urbain à leur état de détérioration, car le béton vieillit mal sous les tropiques. L’enrichissement personnel étant tabou, pas question de vendre ou d’acheter, pas plus que les voitures d’ailleurs. Le temps passe, les personnes qui ont la chance ou le privilège d’être bien logées se cramponnent à leur bien, les autres s’entassent à 3 générations dans des logements de plus en plus inadéquats.
Jusqu’en 2010 on voyait fleurir un peu partout des affichettes SE PERMUTA : l’un voulait échanger son 2 pièces en plein centre contre une maison avec 4 chambres en banlieue, l’autre souhaitait juste changer de quartier. Car seul l’échange était autorisé…
Mais en 2011 il devient possible pour les Cubains de vendre et acheter des biens immobiliers (on parlera des prix plus tard). Cette mesure fait partie d’un train de réformes devenu nécessaire mais très long à mettre en place, tout comme la disparition des deux monnaies et autres particularités de la société cubaine. Depuis 2013, un citoyen ordinaire peut même devenir agent immobilier ! Les affichettes arborent désormais SE VENDE ESTA CASA.
Avril 2017
Des réformes supplémentaires viennent d’être mises en place, qu’on ne peut pas vraiment comprendre sans les explications ci-dessus. Dans ce secteur déprimé jusqu’à l’immobilisme, un coup de pouce de l’État relance le mouvement : désormais, les Cubains peuvent devenir propriétaires de leur maison inachevée. C’est une offre « à profiter de suite » comme disait ma tante Ginette, car elle ne se renouvellera pas : 16 887 logements sociaux « en cours de construction » (euphémisme) seront accessibles à prix étudié, à condition que leurs habitants finissent les travaux dans les 5 ans.
C’est peut-être un heureux dénouement à cette situation héritée de la Période Spéciale, lorsque des milliers de logements n’ont pu être achevés faute de matériaux, de combustible, de tout…
Les citoyens peuvent également légaliser la possession de la maison qu’ils ont construite sans autorisation (les fameux llega y pon). Après un ouragan par exemple, quand les aides tardaient à arriver, ou à l’occasion d’une migration interne, souvent d’Est en Ouest. Il n’y a qu’à voir les abords des grandes villes pour comprendre la situation : rues de terre battue, constructions de bric et de broc…
Mais tout ça ne va pas sans un contrôle sur les opérations financières : En effet, de nombreux propriétaires ne déclarent pas le montant réel de la vente, pour échapper au paiement des 4% prélevés par l’État. Bonjour le capitalisme et les dessous de table… De ce fait, il existe désormais un calcul de référence pour établir la valeur d’un bien selon sa taille, sa localisation etc. Cette référence sert uniquement à établir le montant de l’impôt, et basta.
Vous pouvez consulter le tableau ici. Pas d’affolement, l’unité monétaire est le peso (CUP).
Enfin, les personnes qui seraient tentées de vendre un logement attribué gracieusement ou construit grâce à des aides publiques (voir plus haut le chapitre « après 1959 »), devront tout reverser à l’État.
Et nous dans tout ça ?
Ne rêvons pas trop : pour acheter à Cuba vous devez soit être citoyen de ce pays (hors sauf très rares exceptions, la nationalité ne s’acquiert que par la naissance) soit faire un choix capital : demander la résidence permanente.
La résidence permanente dans les grandes lignes :
Première condition : être marié-e à un-e Cubain-e et/ou avoir des enfants nés sur l’Île. Il vous faut présenter un certificat de mariage datant de moins de 3 mois, donc si les transactions traînent, vous retournez faire la queue sur le lieu de votre union.
Puis vous devez vous lancer dans de longues démarches :
Notifier le motif de votre choix, remplir une notice biographique (état civil, langues parlées, travail, voyages réalisés, famille…), faire traduire votre casier judiciaire et votre acte de naissance (600 à 800 €), fournir un consentement notarial domiciliaire (ça se complique) et des évidences de solvabilité, un certificat médical, etc. Au bout de 2 à 6 mois, vous serez toujours un étranger mais aurez le droit de vivre à Cuba, avec les mêmes devoirs qu’un national et, enfin ! la possibilité d’acheter la maison de vos rêves.
Toujours partant-e ? C’est vrai que la perspective d’acheter une maison pour 35 000 €, ou un appartement délicieusement vintage, avec carreaux de ciment, persiennes et plafonds hauts, a quelque chose d’étourdissant… mais attention :
Attention aux faux mariages qui se terminent en naufrage.
Attention à la bulle immobilière qui se termine en crise des crédits.
Attention aux travaux qui vont se terminer dans 5 ans (au mieux) parce que tout est introuvable, des ampoules électriques aux prises de courant et des serrures aux robinets, en passant par le mastic.
Et enfin un peut d’attention pour les Cubains – dont la majorité a des revenus plus que modestes – qui ne pourront plus suivre si tous les titulaires de PEL Européens ou Canadiens déboulent pour s’emparer du marché. Et on ne parle ici que de maisons individuelles, pas d’hôtels ou d’entreprises, car c’est une autre histoire.
À suivre !
Sources : Nuevas normas para la compraventa de viviendas sur le blog Cartas Desde Cuba de Fernando Ravsberg et La résidence permanente à Cuba sur le site casasparticulares.
Photo à la Une : l’escalier d’un bel immeuble des années 50 sur la Calle Linea.
bonjour , j’aime beaucoup , beaucoup , beaucoup …votre Site ! quelle énergie , concentration , connaissance , vouloir bien faire et bien documenter ..générosité et sérieux !
j’adore Cuba et …La Havane et Santiago et …partout !
merci vraiment
Merci !
Justement Santiago j’y retourne fin juillet, j’espère en ramener des infos et des photos.
Bons voyages,
Céline
Bonjour d’origine haïtienne je confirme les difficultés pour un étranger d’acheter un bien à Cuba j’ai eu la chance d’acheter grâce à ma famille qui vivent sur place depuis 30 ans mais c’est très compliqué pour les étrangers
Djbrill
Merci pour votre commentaire et n’hésitez pas à nous faire part de vos impressions sur Cuba !