Les murs ont la parole # 4 : un album 2019

Parcourant les rues de La Havane pour y voir des expos, le regard affuté et l’esprit disponible, j’étais prête pour une nouvelle moisson de street art :

Fabián López alias 2+2 = 5 ou Yulier P. sont toujours là, malgré des soucis avec les autorités. Ils détournent l’embargo intérieur en imprimant des T-shirts au Canada ou en peignant sur les bicitaxis ou encore des décombres… là où on ne pourra pas leur reprocher de dégrader le bien commun.

2+2 = 5 planqué sous un porche à l’angle du Malecon et de San Lazaro : un moment de vague à l’âme
Mr Myl toujours bien présent dans Habana Vieja, en belle compagnie
« Nené », un minuscule pochoir sur une porte de garage déjà investie par Mr Myl, + un accord de rouges bien particulier = toute l’ambiance d’un Vedado pas si chic, en marge de la Rampa

Mr Myl aussi est bien présent au détour des rues défoncées de Habana Vieja. Mais j’aime moins ses dessins de grosses fesses que ceux où il montre les dents…

Invités

La relative nouveauté vient des street artists « de l’extérieur », qu’ils soient invités dans le cadre d’un partenariat international ou qu’ils se soient pointés d’eux-mêmes pour contribuer au renouveau de l’art pariétal du XXIe siècle dans la capitale cubaine.

Stephen Palladino – entre autres – face à Galeria Taller Gorria, calle San Isidro, Habana Vieja
« El mejor café del mundo es revolucionario », le message de Jeteur de Pierres a été effacé expressément

On reconnaît, en face de Galeria Taller Gorria, el artista urbano new yorkais Stephen Palladino. Un peu partout dans Habana Vieja, le passage du collectif berlinois 1UP est toujours lisible sur les murs.

Plus loin, sous les arches de l’hôpital Hermanos Almeijeiras, Jeteur de Pierre a eu moins de chance puisque l’œuvre photographiée ici a été recouverte quelques heures plus tard, standing de la Biennale d’art contemporain oblige.

À domicile

Et puis il y a les anonymes, qui ne prétendent pas faire de l’art, mais dont les productions ont une valeur esthétique indéniable. Ils ont quelque chose à dire, qu’il s’agisse de vendre des articles religieux ou du rhum « maison » (toquez au panneau de bois pour signaler votre présence, adresse sur demande).

Et ils disposent parfois du talent d’un peintre en lettres (l’ancêtre du designer) pour exprimer leur message. Parfois aussi ils veulent clamer leur fierté d’avoir pour fils/frère/voisin un champion du monde !

« Se vende articulos religiosos » à l’appart # 4 au fond du couloir. Centro Habana 2019.
« Hay Ron » : et pour pas cher en plus. Les peintres en lettres de Centro Habana ont encore de beaux jours devant eux.
« Iraidys, orgullo del bario hijo digno de Cuba, Equipo campéon, ORO » : un fier message à l’entrée d’un immeuble vétuste de Habana Vieja

Ces interventions dans la cité, qu’on les appelle street art, graffiti ou autrement, ont toujours la faculté de nous interpeller sur ce qui les entoure. Et malgré la récupération, parfois, du monde de l’art « officiel », ils ont aussi cette capacité à exprimer un NON franc et massif à l’ordre établi des villes.

À l’image de cette dernière trouvaille, du côté de Habana Vieja : Une esthétique tattoo et un message clair : « No hay cráneo » que l’on pourrait traduire par no way, nope, pas question…

« No hay cráneo », message encourageant dans Habana Vieja

Voir le compte Instagram de Yulier P. pour le plein de photos de ses dernières interventions.

Photo à la Une : Un air de Rauschenberg dans Centro Habana, ou l’art de s’insérer dans les multiples textures et couleurs d’un mur anonyme. Auteur anonyme, avec la participation involontaire de 1UP. Street Art, La Havane.

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