Le bus est de loin le moyen de transport le moins cher à La Havane, mais j’ai longtemps hésité à monter dedans. Les voyant toujours bondés, je ne me sentais pas autorisée à prendre la place de ceux qui en ont vraiment besoin. De plus, les stations sont rarement indiquées et aucun plan imprimé n’est disponible nulle part.
Mais depuis que des bus articulés sont venus s’ajouter à l’offre existante, je les vois sillonner les grandes artères et l’envie me prend de tenter l’expérience.
Mieux, révolutionnaire même : quelqu’un a eu la lumineuse idée d’inscrire leur parcours sur l’excellente application OpenStreetMap¹. Ça aide !
Enfin, il faut quand même connaître les règles élémentaires de » El ultimo ? » et » Y detras de quien ? » avant de se lancer, car les citadin.es cubain.es ont une façon bien particulière de faire la queue.
Préparez de la petite monnaie en CUP et… en voiture !
Dimanche en fin d’après-midi : au terminus de Guanabo, un bus s’apprête à rejoindre le centre ville. Une petite foule de « banlieusards » attend patiemment le départ. Dès le premier arrêt, le bus sera plein et atteindra une densité maximale après avoir ramassé les lycéens qui rejoignent leur beca pour la semaine.
Cette ligne dessert toutes les stations de la Via Blanca, mais malgré la proximité des plages les touristes ne l’empruntent pas !
La calle Zanja relie le quartier de l’Université à Centro Habana, autant dire deux univers contrastés. Grise et presque déserte, elle descend en pente douce depuis la calle Infanta, pour obliquer brusquement au niveau du Barrio Chino : nous voilà derrière le Capitolio, dans une explosion de couleurs. Expérience à vivre en piéton à l’aller et en bus au retour !
Perplexité de la visiteuse de bonne volonté : comment ça marche ? Quand il n’y a qu’un bus attendu – comme par exemple sur la calle 12, direction Ciudad Deportiva – il suffit d’être poli.e et patient.e. Mais au coin de Presidentes et 23, une foule compacte attend le P16, l’A95, le P9, le P11, un taxi rutero…
J’en perds mon latin. Alors faute de trouver mon bus j’observe les petits métiers qui se développent à la faveur de l’attente : journaux, sucreries, allumettes… une vraie galerie marchande !
Autobus articulés, appelés ici metrobus : qu’ils descendent l’avenida Presidentes ou relient la Rampa à la gare centrale, ils sont votre meilleure chance de tenter l’expérience des transports en commun. Et de vous mêler à la foule sentimentale des cubains de tous âges qui vaquent à leurs occupations.
Demandez le prix à qui vous voulez avant de monter et donnez l’appoint au chauffeur. Avertissement : sièges en plastique moulé + absence de climatisation = vous en sortirez probablement en nage !
L’autobus est un excellent moyen de découvrir les quartiers excentrés qui ne sont jamais recommandés dans aucun guide : Diez de Octubre, Altahabana, la Víbora… C’est pourtant là que la plupart des habitants de la capitale rentrent le soir après le boulot. Là que vous verrez se côtoyer les palais baroques et les bâtiments soviétiques repeints en vert d’eau, les terrains de sport et les potagers urbains…
Le bus y est vital, pris d’assaut dès le départ. Ici, même pas la peine d’essayer d’entrer par l’avant : vous vous propulsez comme vous pouvez à l’intérieur. Ne vous inquiétez pas : le contrôleur a tout vu et vous trouvera pour vous faire payer la course ! Enfin, si vous êtes perdus, ne vous inquiétez pas non plus : demandez votre chemin et on se fera un plaisir de vous aider.
Contraste : dans la même matinée vous allez sans doute croiser un de ces antiques bus de fabrication locale, dont la photogénie est inversement proportionnelle au confort… et un véhicule neuf importé de Corée (ou Chine ou de Biélorussie…) arborant fièrement la nouvelle devise de l’entreprise : « Parte de tu vida, parte de ti ».
Cette « partie d’eux-mêmes », les habitants aimeraient bien qu’elle passe plus régulièrement en bas de chez eux… Mais c’est ainsi maintenant : certains slogans nationaux ont fait long feu et la publicité institutionnelle s’insinue discrètement dans la vie quotidienne.
Allez pour finir un scoop qui va vous être vraiment utile :
C’est le P3 qui dessert la Fábrica de Arte Cubano, depuis Diez de Octubre via l’avenida 26. Ou le P5 depuis Coppelia via la calle Linea. Oui, il passe sous mes fenêtres. Et même la nuit ! L’équipe de la FAC est en train de s’affairer à améliorer la station, avec de nouveaux bancs et une signalisation plus visible. De retour de vos folles soirées, vous allez apprécier.
¹ OpenStreetMap est une carte en ligne en opensource. Elle est à l’origine de l’appli OSMand (OpenStreetMap pour Android). Vous pouvez y contribuer si vous vous sentez l’âme géographe.
Pour visualiser les lignes de bus sur la carte de La Havane :
- Zoomez sur la zone qui vous intéresse
- Cliquez sur l’icône « layers » dans le menu vertical droit
- Choisissez « carte de transport » au lieu de « standard »
- C’est tout, c’est facile et c’est génial
Photo à la Une : Le metrobus flambant neuf qui va du Paseo à Diez de Octubre via l’avenida de Rancho Boyeros.