À Cuba un petit pas vient d’être fait pour les meilleurs amis de l’Homme : le decreto ley de bienestar animal est enfin publié dans la Gaceta Oficial du samedi 10 avril 2021.
Vous allez me dire qu’il y a des sujets plus brûlants, entre pandémie et congrès du PCC ? Mais ce n’est pas l’avis des nombreuses initiatives citoyennes existant à Cuba pour la protection des animaux.
D’après les activistes en faveur de la cause animale, c’est un premier pas important, mais insuffisant. D’autant que ce décret encadre mais ne supprime pas certains sujets qui fâchent : les combats de coqs, les sacrifices rituels et l’euthanasie des chiens errants, connue dans les rues de La Havane sous le sinistre nom de zoonosis.
Un décret résumé
Partant du principe que « la santé humaine et le bon état sanitaire animal sont interdépendants et liés aux écosystèmes dans lesquels ils coexistent » (article 1.2) et que par bien-être animal on entend « l’état physique et mental dudit animal, en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt » (article 2.2), le décret déroule tous les cas de figure :
- Animaux productifs
- Animaux de travail
- Animaux de compagnie
- Animaux errants
- Animaux utilisés pour le sport, le loisir ou le concours
- Animaux utilisés pour les expérimentations
- Animaux utilisés pour l’éducation scientifique
- Commercialisation d’animaux vivants
- Transport d’animaux
- Abattage d’animaux
À la lecture de cette liste, on mesure la complexité des relations qui lient humains et animaux dans une société…
Enfin à l’article 59, après que le législateur eut déroulé tous les éléments du règlement à mettre en place + les autorités compétentes pour le faire appliquer, vous voyez apparaître le montant des amendes pour les contrevenants. Des tarifs qui donnent la chair de poule : 1500 pesos pour les personnes physiques et jusqu’à 4 000 pesos pour les personnes juridiques.
Combats de coqs et sacrifices rituels
Dans son article 9, le décret interdit de provoquer des combats entre animaux, sauf… quand c’est autorisé. Entendez : organisé par l’ autorité compétente, le Grupo Empresarial de Flora y Fauna. Quoi qu’on en pense, l’histoire nous dira si cette tradition cubaine y survivra.
Quant aux sacrifices réalisés lors de cérémonies religieuses, autorisés ou pas, ils ne sont pas près de disparaître à mon avis.
Progrès de la société civile ?
Quand on sait à quel point le cheval est indispensable pour le transport des personnes dans des villes comme Sancti Spiritus ou Manzanillo, quand on connaît le niveau de vie des habitants, on se doute que ni les écuries ni l’alimentation ne sont des modèles du genre.
Et le tout à l’avenant : cochons élevés sur le balcon, pigeons sur les toits, coqs dans l’arrière-cour… La situation animale laisse à désirer et on ne voit pas bien comment un texte de loi pourrait tout arranger d’un coup.
N’empêche, ce décret est le fruit de l’acharnement de simples citoyen-nes qui l’ont imposé dans l’agenda des dirigeants, à force de prises de parole et manifestations, autorisées ou non, parfois même en montrant les dents.
Il est donc aussi et avant tout le signe que la société cubaine sait et peut s’organiser pour défendre ses valeurs, indépendamment des priorités dictées par le gouvernement. Et c’est vachement bien.
Passionné-es de langage juridique ? Pour lire le decreto ley en VO c’est par ici : Decreto-ley No. 31de bienestar animal 10 abril 2021.
Presque une private joke cet artículo 19 : « Corresponde al Ministerio de las Fuerzas Armadas Revolucionarias, en la esfera de su competencia, asegurar el bienestar de los animales que emplean en el cumplimiento de sus funciones específicas y en el marco de sus producciones pecuarias, conforme a lo dispuesto en el presente Decreto-Ley ». Hé oui, les F.A.R. ont leurs propres élevages de bétail !
Sources : Ley contra el maltrato animal es sólo un « primer paso », dicen animalistas cubanos sur France 24 et Bienestar animal: las complejidades de un Decreto-Ley sur OnCuba News (entre autres nombreux articles).
Photo à la Une : janvier 2018 à La Havane ; le bien-être animal déjà pris en compte par temps légèrement frisquet.