Fable cubaine : la rainette et le crocodile

Il était une fois une jolie grenouille, la rainette de Cuba, dont la population croissait, croissait, tandis que son voisin le crocodile – de Cuba aussi – déclinait, déclinait, lentement mais sûrement.

Osteopilus septentrionalis et crocodylus rhombifer seraient-ils soumis aux défis de l’évolution ou tout simplement à La maldita circunstancia del agua por todas partes, selon l’expression de Virgilio Piñera (La Isla en Peso, 1942) ?

La rainette migrante

La rainette arboricole, gravure ancienne.

La rainette de Cuba ne mesure que 8 à 13 cm, mais elle a bon appétit. Née sur la Grande Île des Caraïbes, elle est présente en Floride depuis des lustres. Ah Miami, ses piscines, si propices à la ponte !

L’ennui c’est qu’on retrouve cet amphibien jusqu’en Louisiane, où elle a le chic pour s’introduire dans les canalisations et bouffer les autres grenouilles. Elle représente donc un danger pour la faune locale américaine.

Bilan des scientifiques : c’est effectivement la faute au changement climatique si cet animal tropical remonte vers le Nord.

Le crocodile pansexuel

Crocodile cubain, gravure de Ramon de la Sagra, circa 1838 – 1857, conservée à la New York Public Library.

Le croco de Cuba c’est une autre histoire : Ce saurien qui peut mesurer jusqu’à 5 mètres est soumis à la loi du désir, qui l’amène à frayer avec son voisin américain.

Résultat : de beaux ébats et des milliers de petits sauriens hybrides, au point que l’espèce cubaine est en voie de disparition. Elle n’existerait plus que dans la réserve de Zapata et sur l’Isla de la Juventud.

Les scientifiques ne sont pas d’accord sur les suites à donner, car si les croisements menacent la spécificité de chacune de ces espèces, ils empêchent aussi leur disparition pure et simple.

Moralité

Alors, la grenouille et le croco : évolution ? adaptation ? Envie de changer d’air ? Quelle est la morale de cette histoire ?

No hay, mi corazón. Les Caraïbes sont naturellement, biologiquement, historiquement et culturellement, une zone d’échanges nord-sud. Un bassin de population balayé de courants puissants auxquels l’Homme ne peut pas grand chose, ni avec ses murs ni avec ses réserves et ses décrets.

Et c’est très bien comme ça. À vrai dire ça pourrait même être mieux. À bientôt dans la mangrove !

Schéma de Monica E. McGarrity pour différencier la rainette cubaine de la rainette US.

Sources : L’envahissante rainette de Cuba inquiète les USA – dans Ouest France (2019) et Le croco coquin s’accouple trop dans Courrier International (2014).

Voir aussi The Cuban Tree Frog sur le site de The University of Florida.

Image à la Une : Un crocodile cubain à Playa Larga en 2014 et une rainette de Cuba (Cuban Tree Frog) photographiée par Thomas Brown (disponible sur wikimedia commons), à Baracoa. Thanks !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *