50 teintes de vert, c’est ce qu’on trouve à coup sûr dans ces jardins extraordinaires qui émaillent Cuba. Ainsi que de la fraîcheur et de l’étonnement devant la générosité de la nature tropicale. Ensuite, chaque jardin a ses spécialités, avantages et limitations. N’étant pas versée dans les classements, je vais vous les présenter dans l’ordre où je les ai visités, entre 2010 et 2017.
Jardín Botánico Soledad
Dans ce jardin où la nature a repris le dessus sur l’homme, j’ai commencé par me perdre. Autrefois très structuré – objectif scientifique oblige – il est aujourd’hui ensauvagé, à moins de rester sur la grande allée de palmiers ou du côté des serres. Mais quelle belle errance ! Hilarité du taxista lorsque j’ai enfin retrouvé le chemin de la civilisation :
– Fallait pas t’inquiéter, il n’y a pas de bêtes sauvages à Cuba !
Au retour vers Cienfuegos, ce même taxista m’a soumise à un test en 10 points sur Che Guevara. Examen réussi (j’avais révisé), il m’a offert la fameuse pièce de monnaie que tout touriste se doit de ramener de son premier voyage. Je l’ai toujours, ainsi que les fleurs séchées-souvenirs de ce premier jardin.
Le Jardín Botánico de Cienfuegos a été fondé en 1901 par Edwin F. Atkins, sur le terrain de la centrale sucrière Soledad del Muerto. Il s’agissait à l’origine du Harvard Botanical Station for Tropical Research and Sugar Cane Investigation. Oui, à cette époque, les États Unis avaient des intérêts économiques et commerciaux sur l’Île… Géré actuellement par l’Academia de Ciencias de Cuba, il présente sur 97 hectares des collections d’orchidées, bambous, ficus, cactus, plantes médicinales et surtout palmiers : 280 espèces !
Où le trouver : à 15 km de Cienfuegos, sur la route de Trinidad au niveau de la Central Azucarera Pepito Tey.
Comment y aller : en voiture ou taxi, voire en vélo.
Jardín Botánico de las hermanas Miranda
Viñales, comme vous le savez, est littéralement saturé de visiteurs… Je suis donc arrivée dans ce petit jardin, par une chaude journée d’hiver (si, si), en quête de calme et de tranquillité. Un jeune guide s’est gentiment proposé. Ce n’était pas vraiment nécessaire, mais la conversation était marrante : « Se usa para la decoración » (on l’utilise pour la décoration) était son seul et unique commentaire devant chaque plante.
Après quoi il m’a laissée à mon exploration, et c’est là qu’eut lieu LA rencontre : un magnifique zunzuncito s’abreuvant au calice d’une fleur tropicale, là, sous mes yeux émerveillés ! Par contre pour la photo, tintin. Trop rapide !
Le Jardín Botánico de las Hermanas Miranda a été fondé en 1918. Il s’agit en fait d’un jardin privé, créé et entretenu par deux jardinières amateur dont le portrait est toujours visible sous l’auvent de la maison. Carmen et Caridad ne sont plus là pour le faire visiter, mais la famille a pris le relais. Ici, pas d’étiquettes avec des noms latins, mais un peu de tout, dans un fouillis touffu où les têtes de poupées coiffent des tuteurs de bambou, entre cacaoyers, lianes tropicales et fleurs multicolores.
Où le trouver : à Viñales, au bout de la calle Salvador Cisneros, qui tourne à gauche après le Servicupet.
Comment y aller : à pied, tiens, pour changer.
Jardín Botánico Ave del Paraíso
Pour profiter du panorama depuis la Gran Piedra, il faut arriver tôt. Et oui, c’était beau ! Mais après tous ces escaliers j’ai eu envie de me poser. Direction le jardin botanique en contrebas. Surprise : c’est en fait un jardin « utile » qui fournit en fleurs coupées toute la région de Santiago.
Angel, un des jardiniers, me le fait visiter. Il en connaît un rayon en botanique et m’apprend que le microclimat frais (tout est relatif) permet ici la culture de fleurs rares, comme l’oiseau de paradis. Ensuite il me montre au loin son bohío, à flanc de montagne. C’est là qu’il vit, comme ses parents et arrière-grands-parents, probablement arrivés de Haïti à la fin du XIX siècle…
Le Jardín Botánico Ave del Paraíso est installé dans les ruines du cafetal La Siberia (nom imposé par le fameux microclimat ?) dans cette région montagneuse où l’histoire de l’esclavage et de la caféiculture a laissé une forte empreinte. Outre les fameux oiseaux de paradis (Strelitzia) on y admire des fougères, 352 variétés d’orchidées et toutes sortes de fleurs tropicales. Autour, un bois d’eucalyptus, pins, cyprès et une grande quantité d’arbres fruitiers.
Où le trouver : sur le chemin de la Gran Piedra, à 16 km de Santiago de Cuba en direction de l’est.
Comment y aller : avec une bonne voiture (un coche fuerte, comme on dit ici) car la route est escarpée. La visite est parfois proposée dans le cadre de tours organisés dans le Parque Baconao.
Jardín Botánico de Cupaynicú
Bayamó est une belle petite ville mais j’en ai vite fait le tour. Du coup je me suis payé le luxe d’une escapade en taxi vers le Jardín Botánico voisin et j’en garde un souvenir mitigé… Après avoir patienté pour laisser passer une délégation étrangère, me voilà face à la responsable :
– Bonjour, je voudrais visiter svp.
– OK compañera, voici votre guide.
– Mais… je préfère visiter seule svp. Me gusta el silencio.
– (Haussant le ton) Écoutez compañera, nous apprécions votre intérêt mais ici nous avons une méthodologie. Vous devez visiter avec un guide sinon vous ne comprendrez pas notre démarche.
– Ah ok allons-y alors… svp.
Bon, il était sympa ce jeune guide, étudiant en agronomie, mais il s’en est tenu à une allée jalonnée et à des commentaires stéréotypés. Sa visite durait 20 minutes, alors que le parc est immense. Allez savoir… il abrite peut-être des secrets ? J’ai quand même compris la fameuse méthodo, qui consiste, en gros, à la préservation des milieux naturels. Et il m’a offert un refresco car il avait envie de parler.
Fondé en 1981, le Jardín Botánico de Cupaynicú a un objectif scientifique, culturel et récréatif. Sur 105 hectares, il abrite une forêt sauvage classée « aire protégée » et une partie visitable, où sont reconstitués des biotopes de Cuba : bois humide, rocaille etc. Principal intérêt : une belle enfilade de serres et ombrières qui réservent quelques surprises botaniques ou… animales. Cupaynicú serait le nom aborigène du ruisseau qui traverse le jardin. Ou de l’arbre qui accueille le visiteur à l’entrée. Ou des deux, question de méthode…
Où le trouver : à 17 km de Bayamó, au pied de la Sierra Maestra. Il faut sortir de la ville par la Carretera Central en direction de l’est puis prendre à droite la route 342 en direction de Guisa, puis encore à droite au lieu-dit Los Mameyes.
Comment y aller : en voiture ou taxi. Faisable en vélo.
Jardín Botánico Nacional
Une journée qui réserve le meilleur et le pire : je suis arrivée au Jardín Botánico par un chemin en zigzag, empruntant plusieurs bus et traversant Diez de Octubre – jusque là tout va bien – et Mantilla – je m’étais trompée d’arrêt et je n’ai même pas aperçu Leonardo Padura…
Les yeux rivés sur mon appli « carte hors ligne », j’ai réussi à descendre du 3e bus en plein Parque Lenin, à 2 kilomètres de mon objectif, par 35 degrés sans ombre. C’était la meilleure partie de l’expédition : Découvrir ces quartiers puis cheminer le long de jardins potagers qui regorgeaient de quimbombó et de frutas bombas.
Le Jardín (car j’y suis finalement arrivée) ne se visite qu’avec un guide – enfin c’est ce qu’on m’a dit – et l’expérience est à la fois cocasse et décevante : me voilà embarquée dans un promène-couillon tiré par un tracteur, dont le vacarme couvre totalement la voix de la guide, une dame un tantinet autoritaire qui est sûrement une bonne botaniste mais affiche une lassitude post-révolutionnaire…
Le tracteur ne s’arrête même pas pour nous laisser humer une fleur ou voir de près un arbre, on aperçoit de loin le jardin japonais « en travaux » et retour à la case départ. Quoi, c’est déjà fini ?
– Si vraiment vous y tenez, compañera, vous êtes autorisée à voir les serres. Et si vous voulez déjeuner, allez à CE restaurant de ma part. Et tout de suite !
J’ai passé un long moment heureux dans ces serres magnifiques, de la plus sèche à la plus humide, en contemplation devant des cactus compliqués et des fleurs paradisiaques. Puis je me suis attablée sous un ranchon en compagnie d’un chat qui louchait sur mon congri.
C’est là que j’ai été surprise par les cris de la guide, furieuse que j’aie échappé à ses consignes. Ah le savon ! Je m’étais éloignée du sentier balisé, j’avais risqué de me perdre, etc. Je crois surtout que c’est elle qui avait perdu sa comm’ dans le restaurant où je n’étais pas allée…
Le Jardín Botánico Nacional est œuvre de la Revolución et dépend de l’Universidad de La Habana. Ouvert au public depuis 1984, il réunit sur 600 hectares une immense collection de plantes endémiques ou importées, dont quelques exemplaires de palmiers ultra rares. Dommage que le visiteur n’en voie qu’une petite partie… L’entrée du parc a un aspect monumental avec ses allées de palmiers et son damier de miroirs d’eau – bien que ces derniers soient à sec.
Où le trouver : à 25 kilomètres au sud de La Havane, carretera El Rocío, quartier de Calabazar. Repérez sur une carte le Parque Lenin et Expocuba : son entrée fait face au jardin.
Comment y aller : en taxi ou en bus. Ne faites pas comme moi et prenez celui qui part du centre ville et affiche le terminus Expocuba.
Orquideario de Soroa
Le petit village de Soroa a des allures de station thermale, avec sa chute d’eau et ses installations touristiques. De très nombreuses casas accueillent des voyageurs et leurs jardins arborent de splendides orchidées. Si bien que lorsqu’on pénètre dans le fameux orquideario, l’effet d’émerveillement est déjà un peu émoussé. D’autant que les négociations avec le guichetier pour payer le juste prix nous ont un poil agacés. Un problème récurrent à Cuba…
N’empêche, le plaisir de la découverte est bien là. Si les orchidées ne sont pas toutes en fleur, on a quand même sous les yeux beaucoup de spécimens étonnants. Et on s’amuse à reconnaître les plantes qui ornent nos appartements et bureaux, là bas en France. Sauf qu’ici elles sont dans leur milieu naturel, énormes et pétant de santé.
L’Orquideario de Soroa a été créé en 1943 par un avocat d’origine canarienne : Tomás Felipe Camacho. C’était un domaine privé, édifié en souvenir d’une épouse et d’une enfant disparues prématurément. Après bien des aventures, dans lesquelles un certain Don Agapito a joué un rôle clé, le précieux jardin est actuellement rattaché à la Universidad de Pinar del Río. Ses terrasses, rocailles et ombrières présentent plus de 700 espèces d’orchidées : dendrobiums, vandas, phalaenopsis… et des plantes ornementales comme des crotons multicolores et des bégonias énormes.
Où le trouver : Au cœur de la Reserva de la Biosfera – Sierra del Rosario. Depuis l’Autopista Nacional, en venant de La Havane, tournez à droite au lieu-dit Candelaria, juste après la station service. L’orquideario se trouve sur votre gauche après 7 kilomètres d’une jolie route escarpée.
Comment y aller : à pied si vous avez loué une chambre à Soroa. Ou en taxi si vous venez de La Havane ou de Viñales.
Poursuivre la promenade
Fin provisoire de la parenthèse verte. Mais… j’ai lu quelque part qu’il existe 13 jardins botaniques à Cuba. Si vous avez des tuyaux sur ceux que je ne connais pas encore, n’hésitez pas à les laisser en commentaire ! En attendant, voici quelques compléments d’information :
Précisions et photos sur le Jardín Botánico Soledad
Page FB du Jardín Botánico de Cupaynicú
Revue du Jardín Botánico Nacional
Article et photos sur l’Orquideario de Soroa
Photo à la Une : échappant à la surveillance de la guide, j’ai déniché, derrière les serres, la mare aux nympheas du Jardín Botánico Nacional.
Bonjour,
Je cherche, pour un ami Cubain, un livre sur « les arbres et les fleurs à Cuba », en français.
Merci
Bonjour,
Je ne sais pas si un tel ouvrage existe en français, mais comme ça m’intéresse aussi je vais faire des recherches. à suivre !