Un carnaval de 1960 en EastmanColor

La Havane, 1960 : pendant que la capitale s’adonne à son carnaval, une équipe de jeunes cinéastes inexpérimentés tente d’en capturer l’atmosphère.

C’est Carnaval, un court métrage disparu et réapparu, que son auteur qualifie aujourd’hui de « pièce de musée » et témoignage d’une époque où la Révolution se cherchait encore dans sa politique culturelle.

C’est surtout l’occasion de voir, à travers ces images de piètre définition, mais qu’importe,  La Havane « d’avant » avec beaucoup de néons sur le Prado et des drapeaux américains sur le char du ministère du Tourisme, au milieu des danseurs – plus pour très longtemps…

Notez que les génériques de Carnaval sont les première réalisations du département « animation » de l’ICAIC créé spécialement à cette occasion !

Et maintenant voici l’histoire du film, un bel exemple de relations Cuba-États-Unis, tel que conté par Fausto Canel, son co-réalisateur : Le jeune cubano-New-Yorkais Joe Massot réussit à se faire commander un documentaire par le non moins jeune ICAIC. Un court métrage de 20 minutes dans l’objectif d’attirer les touristes à Cuba (qui commençait à avoir un peu mauvaise presse).

Massot invite Canel à réaliser tandis que lui-même se concentre sur la direction d’acteurs (qui débutaient eux aussi). Mais à cette époque, les pellicules couleur ne pouvaient pas être développées à Cuba. Il fallait envoyer les négatifs au laboratoire Deluxe de New York… Dans le même envoi se trouve Ritmo de Cuba, dirigé par un certain Nestor Almendros (ce détail a son importance, patience).

Carnaval sort dans les cinés de La Rampa le 26 juillet 1960 (!) puis dans les salles obscures du pays. Mais les 3 copies importées ne tardent pas à se dégrader et à disparaître.

carnaval-fausto-canel-fin

End of the story ?

Pas tout à fait car en 1989 un rebondissement inattendu permet de rescusciter le film et de l’amener jusqu’à nous !

Un matin de 1989, le téléphone sonne chez Fausto Canel : c’est Nestor Almendros, qui se trouve dans les laboratoires Deluxe à New York (il travaillait alors comme directeur de la photographie pour Martin Scorcese) : “Los recuperamos, Fausto, los recuperamos !”
– Quoi ?
Ritmo de Cuba et Carnaval !

Le directeur du labo venait de lui apprendre que deux négatifs de courts métrages cubains étaient toujours stockés sur ses étagères. Suite à l’embargo, l’ICAIC n’avait jamais payé le travail et les négatifs n’avaient donc jamais été renvoyés à l’expéditeur…

Une chance pour les auteurs qui, comme beaucoup de cinéastes cubains ayant choisi de quitter l’Île, avaient bien du mal à récupérer leur travail, resté propriété de l’ICAIC. Massot et Canel avaient droit à une copie vidéo pour usage non commercial. Dès le lendemain, ils visionnaient leurs œuvres pour la première fois depuis leur sortie, 29 ans auparavant…

D’autres films témoignant de cette brève période de l’histoire cubaine sont à voir sur le site de Fausto Canel qui vit à Miami où il est producteur de cinéma et télévision.

Merci à Manuel Zayas qui à travers son blog Kino Glaz m’a fait connaître cette histoire et bon visionnage !


Source : Una reliquia Habanera en EastmanColor sur Kino Glaz,  le blog de Manuel Zayas.

Image à la Une : Photogramme de Carnaval (1960, La Havane, production ICAIC, réalisation Fausto Canel & Joe Massot). Droits réservés.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *