Pluie de théâtre sur La Havane : le mois de mai à Cuba marque le début de la saison humide et le retour du Mayo Teatral, un festival qui depuis 1998 braque les projecteurs sur les compagnies de théâtre d’Amérique Latine et des Caraïbes. Normal, ce rendez-vous est piloté par la Casa de las Americas¹, créée en 1959 pour définir et renforcer l’espace culturel latino-américain.
Brésil, Colombie, Mexique, Pérou et République dominicaine ont invités cette année à partager l’affiche avec une dizaine de compagnies cubaines, qui reprennent pour l’occasion leurs succès récents.
Espaces critiques
Et c’est là qu’on assiste à l’un de ces paradoxes à la cubaine qui rendent l’Île si intrigante et difficile à déchiffrer : une manifestation ultra institutionnelle programmant des troupes qui mettent toute leur énergie à critiquer, déconstruire et parfois ridiculiser l’ordre établi…
Morceaux choisis : Mecánica, de Argos Teatro ; Triunfadela, de El Ciervo Encantado ; Éxtasis du Teatro Buendía (Sainte Thérès d’Avila est dans les parages) ; Harry Potter, se acabó la magia, du Teatro El Público (Carlos Diaz est passé maître dans l’art de démasquer le Cuba d’aujourd’hui sous les traits des figures populaires universelles. Ce coup-ci, c’est Harry Potter qui s’y colle) ; Los dos príncipes, du Teatro de las Estaciones (marionnette et théâtre d’objet) ; Yilliam de Bala coming soon, du collectif Persona (les corps deviennent surfaces de projection de slogans et formules à double sens) ; CCPC, Cuban Coffee by Portazo´s Cooperative, de El Portazo (la critique sociale en chantant), et Las venas abiertas, de Teatro La Rosa, un récital performatif inspiré de l’œuvre d’Eduardo Galeano…
Du Brésil, arrive Ói Nóis Aquí Traveiz, une compagnie qui confronte le théâtre à l’espace pubic. Le groupe colombien La Candelaria propose Camilo, une pièce sur la vie du sociologue, prêtre et guerrillero Camilo Torres (un destin à la Che Guevara), alors que le groupe Yuyachkani du Pérou s’aventure dans l’univers de José María Arguedas (une œuvre marquée par le clivage linguistique et culturel entre l’espagnol et le quechua) avec la pièce Cartas de Chimbote. Le Mexique sera représenté par la compagnie Los Colochos, un collectif pas triste qui jouera Mendoza, une version libre de Macbeth…
Demandez le programme !
Mayo Teatral se déroule du 13 au 22 mai dans les principales salles de la Calle Linea (le Broadway de Cuba) et du Vedado à La Havane. Mais aussi à Santiago de Cuba, Guantánamo, Holguín, Camagüey, Ciego de Ávila, Cienfuegos, Santa Clara et Matanzas.
Et même si vous n’entendez pas très bien l’espagnol – avec toutes les nuances et accents que chaque pays lui apporte – n’oubliez pas que l’expérience d’une représentation théâtrale à La Havane dépasse de loin la simple compréhension du texte !
¹ Dès avril 1959, le nouveau gouvernement confie à Haydée Santamaria la responsabilité de créer la Casa de las Americas, une institution destinée à développer les relations sociales et culturelles entre les peuples d’Amérique Latine et des Caraïbes. Elle occupe un beau bâtiment de style Art Déco construit dans les années 40 avec des objectifs proches de l’usage actuel.
Source : Mayo Teatral 2016: Comienza la cuenta regresiva dans La Jiribilla.
Image à la Une : CCPC, Cuban Coffee by Portazo´s Cooperative. Teatro El Portazo, Matanzas. Droits réservés.