Saviez-vous que Cuba exporte du charbon en Europe ? Et que le charbon de marabú devient le premier produit artisanal cubain exporté aux États-Unis depuis… des décades ? Ça tombe bien parce que je voulais vous parler de cet étrange marabú qui a envahi l’espace rural à Cuba, sans savoir comment aborder le sujet. Épineux, pour le moins.
Elle est pourtant jolie cette plante voisine du mimosa, avec son feuillage duveteux et ses fleurs bicolores. Son aspect buissonnant et ses épines pourraient en faire de bonnes haies naturelles dans les immenses exploitations de la plaine centrale. Mais c’est à la fructification que ça se corse : les graines sont contenues dans d’énormes gousses appréciées du bétail, lequel va les semer un peu plus loin avec ses déjections et… l’homme perd vite le contrôle sur la nature.
Pendant el Periodo Especial¹, notamment, le marabú a envahi les champs de canne laissés en friche, bouleversant durablement le paysage rural. Car une fois établie, la plante est très difficile à éradiquer, ses immenses racines produisant des rejets à foison. À l’image du chiendent, plus vous la coupez, plus elle prospère. Sauf que ce chiendent-là a des troncs de 18 cm de diamètre et des épines redoutables. En l’absence d’herbicides (oui, ce marabú est bio), les brûlis et les chèvres sont d’un certain secours mais ne viennent pas à bout du marabú. Alors que faire ?
Le récolter ?
Il y a quelques années, mettant en pratique l’adage populaire « Faisons de l’ennemi un allié », deux ingénieurs cubains ont inventé… une machine à récolter le marabú. La machine coupe l’arbuste sans abîmer le sol et le transforme en biomasse, laquelle pourrait servir à alimenter en combustible les centrales sucrières. Ironie de l’histoire : le prototype est né d’une moissonneuse de canne à sucre soviétique…
Autres pistes : l’utilisation du bois pour l’ameublement et la fabrication d’ustensiles de cuisine. Mais surtout, le charbon !
Le transformer ?
Ce charbon est produit à l’ancienne par des centaines de coopératives sur toute l’Île et il est recherché pour ses qualités : flamme bleue, pas de fumée, peu de cendres, idéal pour faire cuire le pain et les pizzas. L’entreprise d’État qui l’exporte espère bien monter en puissance et continuer sur sa lancée avec d’autres produits tels que miel et café.
La première livraison aux États-Unis a lieu le 18 janvier : 40 tonnes pour chauffer les fours à pizza de Floride, c’est peu au regard des 40 000 à 80 000 tonnes vendues à l’Italie ou l’Allemagne. Et ce n’est pas ça qui va redresser la balance commerciale.
Mais l’assouplissement récent de l’embargo ne permet pas aujourd’hui d’envisager mieux. À moins qu’avec les changements sociétaux aux États-Unis, ces rêves ne partent encore en fumée…
¹ Voir l’article Y Z comme Yemaya, Zafra… pour en savoir plus sur cette « période spéciale en temps de paix ».
Marabú : nom officiel dichrostachys cinerea, connu également sous le nom de sicklebush, Bell mimosa, Chinese lantern tree ou Kalahari Christmas tree en Afrique du Sud, est une légumineuse de la famille des fabacées. On l’appelle aussi Mimosa clochette à la Réunion. Des noms qui évoquent les jolies fleurs mais passent sous silence sa tendance à l’envahissement rapide de toute terre agricole laissée en friche.
Son introduction à Cuba remonte au XIXe siècle et il s’est répandu sur l’Île à partir de Camagüey, le long des voies de communication. En 1930 il occupait plus de 400 hectares et voyez comme il a bien prospéré : au XXIe siècle il en a envahi 1 141 550 ! Soit 10 % du territoire de l’Île ou si vous préférez 18 % des terres cultivables ou consacrées au bétail.
D’après l’article Artisanal marabu charcoal to become 1st Cuban export to US sur BigStory.
Lire l’article en espagnol : Dos ingenieros de la Isla crean una cosechadora de marabú dans Diario de Cuba
Voir aussi Marabú en Cuba: se prolonga la infección sur OnCubaMagazine.
Photo à la Une : Marabú, dichrostachys cinerea, photo J.M.Garg licence Wikimedia Creative Commons