Yander Zamora, l’instant décisif

20 mars 2016 : Air Force One, l’avion du président¹ des États-Unis, se pose à l’aéroport de La Havane. Bien des photographes sont présents mais Yander Zamora capture une image exceptionnelle, tellement exceptionnelle qu’elle vient d’obtenir le Premio de Periodismo Rey de España², autrement dit le prix le plus important et le plus attendu du monde latino-américain.

Et pourtant que voit-on ? Un avion, des voitures, un passage à niveau, des fils électriques et un raton laveur ? À la limite rien d’extraordinaire si ce n’est que cette image cristallise des décennies d’attente, des rapports de force écrasants et la collision symbolique de deux mondes proches géographiquement mais dont l’un est resté plaqué au sol pendant 50 ans.

En cherchant, dans la grande banlieue de la capitale, le point qui lui permettrait de photographier l’avion avant son atterrissage, le photographe pensait sûrement à tout ça. Ce qu’il ne pouvait pas prévoir, c’est ce camaïeu de bleus pour les différents véhicules qui leur donne l’air d’appartenir à la même écurie… cela s’appelle la grâce !

Yander Zamora, photo Cubanos Guru, Droits réservés.

Les membres du jury, eux, ont remarqué que le cliché montre « le début des relations entre deux pays qui ont maintenu de sérieuses divergences pendant plus d’un demi siècle. » C’est le moins qu’on puisse dire.

Yander Zamora se décrit lui-même ainsi :

Aunque parezca cliché, vivo como si la cámara fuera una extensión de mi mano. Si a unos les asustan los monstruos o la oscuridad, a mí me atormenta en sueños no tener con qué hacer una foto si cae un OVNI… O pasa el Air Force One.

(Bien que cela fasse cliché je vis comme si l’appareil était une extension de ma main. Certains craignent les monstres ou l’obscurité, mais moi ce qui me tourmente la nuit c’est de ne pas avoir de quoi faire une photo si un OVNI tombe… ou si Air Force One passe.)


Et bien que titre de cet article fasse référence à Cartier-Bresson, le jeune photographe natif de Santiago de Cuba déclare que son héros serait plutôt Robert Capa…

Si vous voulez en savoir plus, je vous recommande son site qui regorge de photos magnifiques sur le Cuba d’aujourd’hui : yanderzamora.com. Et je vous recommande également la lecture de l’article de Géraud Bosman-Delzons dans Le Monde : Yander Zamora, photographe de la transition cubaine. Vous y aprendrez notamment pourquoi la désormais célèbre photo, vue des millions de fois en ligne, est parfois signée Alberto Reyes. Un pseudo ? Oui ! Mais qui lui permet de collaborer avec la prestigieuse agence Reuters…


¹ À l’heure où j’écris ces lignes il s’agit bien entendu du précédent président. Merci de votre compréhension et désolée de remuer le couteau dans la plaie.

² Les Premios Internacionales de Periodismo Rey de España ont pour objet de distinguer le travail des professionnels du journalisme de langue espagnole ou portugaise. Ils sont décernés chaque année depuis 1983, année où l’agence de presse EFE et l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID) les ont créés. Ils sont décernés dans les catégories presse, radio, télévision, photographie, presse numérique et développement durable. Chaque gagnant remporte la belle somme de 6 000 €.

Photo à la Une : Yander Zamora, Llegada del Air Force One a La Habana, 20 mars 2016. Droits réservés.


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