Printemps français à La Havane

C’est officiel : le Mois de la Culture Française revient à Cuba pour sa 3e édition. À Cuba… et principalement à La Havane d’ailleurs. Avec un éventail de propositions allant du furieusement arty au gentiment Belle Époque, c’est une manifestation aussi éclectique que les petits palais du Vedado, un portrait de la France éternelle et contemporaine, propre à actualiser l’image que les Cubains se font de notre vieux pays.

Arts visuels

À l’Alianza Francesa de La Habana (Prado), le peintre Vincent Ruffin expose La condición humana jusqu’au 29 juin, une série réalisée lors d’une résidence à La Havane. Parallèlement, le samedi matin c’est « Atelier Parfums » dans ce haut lieu de la culture française.

Le Museo Nacional de Artes Decorativas expose 30 années de création du joaillier-orfèvre Jean Boggio. Une collaboration de Gustavo López et Olivier Perpoint (Instituto Cultural Internacional) pour mettre en lumière une certaine idée du luxe à la française, au travers de matériaux précieux et de techniques traditionnelles.

Adislen Reyes, Plegable, 2006. Sérigraphie. Droits réservés

Au Palacio del Segundo Cabo, l’exposition Aldebrío rend compte de la collaboration entre deux artistes vivant de part et d’autre de l’Atlantique : John Deneuve et Adislén Reyes. L’une comme l’autre de formation classique (école des Arts décoratifs de Strasbourg, Instituto Superior de Arte), elles développent une vision du monde à la fois pop et caustique.

Autre genre dans le même bâtiment : on dévoilera un vitrail art nouveau d’Auguste Labouret (1871-1964) rescapé d’un de ces manoirs luxueux qui pullulaient dans les quartiers chics de la capitale cubaine au début du XXe siècle.

L’Ambassade de France se dote pour l’occasion d’une nouvelle intervention artistique sur son mur extérieur. Après Pascale Marthine Tayou en 2016, c’est Daniel Buren qui s’y colle.

À voir au Centro Wifredo Lam du 22 juin au 15 août : Rendez-vous / Bienal de Lyon 2017 en La Habana. Ici encore il s’agit de proposer un dialogue entre 10 jeunes artistes travaillant en France et la fine fleur de la création plastique cubaine.

Création vidéo : ON/OFF

Ce qui est projeté à la Casa Victor Hugo du 31 mai au 22 juin n’est que la partie visible d’un programme qui se déroule toute l’année entre la Maison Européenne de la Photographie et diverses institutions cubaines, dont la Fototeca de Cuba. La collection de la MEP y dialogue avec des créations de jeunes vidéastes cubain.es, dont Huésped de Maikel González qui revient d’une résidence de création à la Cité Internationale des Arts à Paris.

Rebecca Bournigault, Constellations, 2018. Droits réservés.

À voir également des créations d’Edith Roux et l’installation Constelación de Rebecca Bournigault. Avec de fortes références à la peinture classique de portrait et de paysage, elle y explore les relations entre humain et nature.

Danse et théâtre

Le Gran Teatro de La Habana met La Consagración de la Primavera à l’affiche. Ce chef d’œuvre signé Stravinsky/Nijinsky en 1913 a déjà suscité plus de 100 versions chorégraphiques… Voici celle de Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours pour Danza Contemporanea de Cuba.

Pendant que les enfants du quartier Santos Suárez découvrent la littérature française grâce aux Fables de La Fontaine (projet AtrapaSueños), Anabel Guérédrat présente la performance Hysteria à la Casa de las Américas. Elle est installée en Martinique et la critique la qualifie de « afro post punk », ce qui me donne une belle envie de la découvrir !

Anabel Guérédrat, performance Hysteria, janvier 2017. Photo Robert Charlotte, droits réservés.
Affiche de Roberto Ramos dans le hall du Teatro Trianon : Dudo, texte Marie Fourquet, mise en scène Carlos Diaz, interprétation Denys Ramos.

Côté théâtre, le coup de culot de la manifestation semble être d’avoir confié des textes français à des compagnies cubaines. Autrement dit, de nous retourner le miroir, ce qui ne pourra que nous secouer un peu !

Après Littoral et Incendies, Bosques (Forêts) est le troisième volet de la trilogie de Wajdi Mouawad, dramaturge et metteur en scène libano-canadien installé à Paris. Si vous êtes un.e habitué.e du Théâtre de la Colline, vous serez peut-être dépaysé.e par la mise en scène de Miguel Abreu pour le Ludi Teatro. Notez que les représentations se poursuivent jusque fin juillet.

Carlos Díaz (mon idole) s’attaque à un texte d’une dramaturge moins connue : Marie Fourquet. Cela donne Dudo, un monologue pour l’acteur cubain Denys Ramos. À voir au Teatro Trianón à partir du 16 juin. Espérons que, suivant la tradition de cette compagnie, l’œuvre atteigne et même dépasse les 100 représentations !

Dans El Pequeño, Jazz Vilá s’inspire de Saint Exupery et déplace l’action du Petit Prince dans les rues de La Havane. À voir au Teatro Arenal à partir du 30 juin.

Musique(s)

Le Teatro Lírico Nacional de Cuba propose l’opéra Romeo y Julieta de Charles Gounod, tandis qu’au Mella se tiendra la finale du concours annuel de la chanson francophone. Message personnel : bonne chance à Chely, venue de Santiago de Cuba !

Un air de Belle Époque avec Reynaldo Hahn (qui d’ailleurs était vénézuélien) imprégnera le Museo Nacional de Bellas Artes lors du concert du contreténor surdoué Lesby Bautista.

Tekameli en concert. Photo droits réservés.

Autre ambiance avec le groupe Tekameli qui se présentera à La Havane et Matanzas. Retour aux origines pour cette musique venue de Cuba et de Puerto Rico dans les années 50 et devenue la « rumba catalana » ou « rumba gitana » dans les communautés gitanes de Perpignan. Un genre considéré comme mineur, on se demande bien pourquoi…

C’est du cinéma

La Havane compte déjà son Festival de Ciné Frances, l’un des plus populaires du pays. Avec le Mes de la Cultura Francesa les cinéphiles seront encore plus rassasiés. Avec pour commencer un cycle de films proposés dans le cadre du Día Mundial de Lucha Contra la Homofobia y la Transfobia. Puis la projection du documentaire Huellas de la Presencia Francesa en Cuba, un sujet méconnu de la plupart des voyageurs français qui se rendent sur l’Île, mais qui mérite le détour, si j’ose dire.

Design & architecture

Le studio de l’artiste Wilfredo Prieto devient pour un temps un espace d’échange d’idées et de pratiques entre designers de toutes latitudes. Les professionnel.les cubain.es, né.es pendant « el período especial », ont su développer une créativité inversement proportionnelle aux faibles moyens dont ils disposaient. Ils invitent leurs pairs européens à échanger à partir de cette perspective.

Prototypes sièges Vibra, Raiko Valladares & Jose A. Villa à la Fabrica, octobre 2015

Pendant ce temps, à l’Alliance Française, on débattra des options possibles pour la Rehabilitación sostenible de la bahía de La Habana. C’est le fruit d’une collaboration qui va se poursuivre avec l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy.

Enfin, à LaB.26 se tiendra l’atelier Soñar La Habana – Corredor Cultural para Calle Línea. C’est le début d’une aventure artistique et architecturale qui verra le jour lors de la XIIIe Biennale de La Havane… en 2019. Trois kilomètres à parcourir (message personnel bis : sous mes fenêtres !) comme une immense galerie à ciel ouvert, entre icônes de l’architecture moderne et installations éphémères.

Ce projet de Corredor Cultural est une belle métaphore de la manifestation dans son ensemble : quand la diplomatie culturelle consiste à faire de la politique… autrement et à affirmer des gestes artistiques là où on ne les attend pas.

Beau et rafraîchissant skyline sur le Malecon, vu depuis la calle Linea. Bientôt ici un Corredor Cultural, en plus d’un excellent glacier et d’un efficient spot wifi.

Vous l’aurez compris : ce « mois de la culture française » dure bien plus de 30 jours. Pour vous y retrouver, tout savoir et ne rien rater, le programme complet de la manifestation se trouve sur le site de l’Ambassade de France à Cuba.

Image à la Une : visuel du Mes de la Cultura Francesa en Cuba.

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