Lectures tropicales sous le sapin

Que faire avec vos étrennes ou votre carte-cadeau pour préparer votre voyage à Cuba ? Un petit tour à la librairie pardi ! Une fois votre récolte faite (ou livrée), installez-vous au coin du poêle et évadez-vous mentalement vers les tropiques :

 > Option l’Histoire autrement

Camilo Cienfuegos plaza de la Revolucion : réappparition du héros en icône populaire

Le jour se lève et ce n’est pas le tien

Qui dit histoire, pensant à Cuba, dit aussi géographie. Le roman de Frédéric Couderc se passe simultanément en 1959 et en 2009, à New-York, Miami et La Havane. Une recherche en filiation qui fait intervenir des faits et personnages bien réels : Alicia Alonso, Benigno, Meyer Lansky, Huber Matos, Luis Posada Carriles, Marita Lorenz, Santo Trafficante, El Sexto, l’opération Peter Pan, et même, et même…( je vous laisse le découvrir) à la recherche de la figure manquante de la Révolution : Camilo Cienfuegos. À lire pour le plaisir et pour se documenter sur la communauté cubaine aux États-Unis et  le dessous des relations entre les deux pays depuis 1959.


L’exil est rond
Un cercle, un anneau :
tes pieds en font le tour,
tu traverses la terre,
et ce n’est que la terre,
le jour s’éveille
et ce n’est pas le tien,
la nuit arrive :
il manque tes étoiles,
tu te trouves des frères :
et ce n’est pas ton sang.
Tu es comme un fantôme qui rougit
de ne pas aimer plus ceux qui t’aiment si fort,
et n’est-il pas vraiment étrange que te manquent
les épines ennemies de ta patrie,
l’âpre détresse de ton peuple,
les ennuis qui t’attendent,
et qui te montreront les dents dès le seuil de la porte…

Pablo Neruda, L’Exil in Chant libre d’Amérique latine, Mémorial de l’île noire, Gallimard, Paris, 1977. Trad. de l’espagnol (Chili) par Claude Couffon.


Poser nue à La Havane

Ce n’est pas le dernier opus de la très talentueuse Wendy Guerra, mais ce roman tient une place à part dans son œuvre : il est basé sur un épisode bien réel de la vie d’Anaïs Nin. Pendant son séjour à Cuba en 1922-1923, Anaïs a très peu écrit dans son journal. Mais Wendy, sa sœur en Lettres, a mené l’enquête et fouillé les archives : son roman est une plongée sensorielle dans La Havane des années 20. À lire parce que c’est de la belle littérature et pour se documenter sur les mœurs de la grande bourgeoisie et la vie de bohème des jeunes artistes, dans cette période politiquement trouble qui précède la dictature de Gerardo Machado.

> Option Baroque

Je vais m’épargner le ridicule de prétendre écrire sur ces deux monuments de la littérature que sont Jose Lezama Lima et Severo Sarduy. Juste vous recommander de vous plonger dans ces univers foisonnants, délirants, baroques. Avec une pensée admirative pour les traducteurs¹ qui nous permettent de les lire en français !

Paradiso

Une famille est une forêt tropicale, dense et enchevêtrée comme un Paradiso, Eros est partout… Le roman a fait scandale à sa parution en 1966 et Jose Lezama Lima, référence absolue de la génération qui a suivi, a fini ses jours cloîtré dans sa maison de la calle Trocadero, protégé de l’homophobie ambiante par sa renommée internationale.

Écrit en dansant

En espagnol, le titre est encore plus génial : ¿ De donde son los cantantes ? Severo Sarduy vivait déjà en France lors de la parution en 1967, il y est mort – du Sida – en 1997. Le dernier paragraphe d’Écrit en dansant est intitulé L’entrée du Christ à La Havane. Vous associez si vous voulez… L’auteur, immensément érudit, malicieux, sensuel, est à redécouvrir !


Quel fut l’accueil de La Havane ! On L’attendait. Sa photo L’avait précédé, répétée jusqu’à satiété, jusqu’à dérision, collée, décollée, déchirée, clouée sur toutes les portes, pliée sur tous les poteaux, surchargée de moustaches, crayonnée d’une bite qui s’égouttait devant Sa bouche, et même en couleurs – oh ! Il était beau, et blond, on aurait dit Greta Garbo ! – pour ne pas parler des reproductions sur verre du métro Galiano. Où que tu portes le regard, Il est là, qui te regarde.² (…)


> Option mélancolie du Jamais Plus

33 révolutions

Je vous renvoie à l’article Canek Sanchez Guevara : Révolution et dépression. Après avoir lu tout Pedro Juan Gutiérrez, vous avez déjà une petite idée de l’ambiance à Cuba dans les années 80 et 90. Ce court récit vous y replonge au rythme lancinant d’un 33 tours rayé. Le spleen en plus.

Canek Sanchez Guevara, droits réservés.

Tropicana Nights : The Life and Times of the Legendary Cuban Nightclub

« Le Tropicana est à Cuba ce que le Bolchoï est à la Russie, le Moulin Rouge à Paris ou le Blue Note à New York : une institution culturelle ». Cette biographie d’un lieu qu’on décrit aussi comme « le Paradis sous les étoiles » fait revivre les années 50 du night club-casino-cabaret, le seul tenu par des cubains et pas par la mafia. Il est actuellement géré par l’État. Écrit en anglais par Rosa Lowinger et Ofelia Fox, la veuve du propriétaire de l’époque.

Tropicana Nights,, Rosa Lowinger & Ofelia Fox, 2016

> Option Je reprends mes études d’Histoire de l’Art

Modern Cuban Art : Themes and Variations

Version anglaise mise à jour de Pintura cubana : temas y variaciones, écrit par la critique d’art et figure culturelle Adelaida de Juan, cet essai analyse les aspects sociaux et artistiques de l’avant-garde cubaine, des années 20 et 30 jusqu’aux années 90. Y compris sous le prisme de la race et du genre, pour une fois, merci ! Moi qui cherche désespérément des infos sur la vie d’Amelia Peláez et ses contemporains, je vais me le lire de ce pas, en version PDF pour la modique somme de 8 $ (pas trouvé trace de la version papier).

Hecho en Cuba : Cinema in the Cuban Graphics

Si une affiche cubaine se reconnaît au premier coup d’œil, elle est toutefois produite par un artiste qui a son propre langage visuel. Plaisir du paradoxe… Après l’exposition Hecho en Cuba qui a fait les beaux jours du musée du Cinéma de Turin, cette belle collection d’affiches commentées est disponible en livre. Raúl Martínez, Eduardo Muñoz Bachs, René Azcuy, Alfredo Rostgaard… pour n’en citer que quelques-uns, à se faire offrir et laisser traîner sur la table basse.

Extrait du livre Hecho en Cuba,Silvana Editoriale 2016, droits réservés

n.b. : Merci de commander ces ouvrages chez votre libraire, pas sur une plateforme dont le nom commence par un A et qui concourt à la mort du métier. Ceci étant dit, je vous souhaite de belles et bonnes lectures en 2017 !


  • Le jour se lève et ce n’est pas le tien, Frédéric Couderc. éditions Héloïse d’Ormesson, 2016
  • Poser nue à La Havane, Wendy Guerra. Titre original Posar desnuda a La Habana – Anaïs Nin en Cuba, traduit de l’espagnol par Marianne Millon, éditions Stock 2010
  • ¹ Paradiso, José Lezama Lima, traduit de l’espagnol par Didier Coste, éditions Points (1999)
  • ¹ ² Écrit en dansant, Severo Sarduy. Titre original ¿ De donde son los cantantes ?, traduit¹ de l’espagnol par Étienne Cabillon, Claude Esteban et l’auteur, éditions du Seuil, 1967
  • 33 révolutions, Canek Sanchez Guevara, traduit de l’espagnol par René Solis, éditions Métailié 2016
  • Tropicana Nights: The Life and Times of the Legendary Cuban Nightclub, Rosa Lowinger et Ofelia Fox, e-book Coralstone, 2016 (édition originale Houghton Mifflin Harcourt, 2005). En anglais.
  • Modern Cuban Art : Themes and Variations, Adelaida de Juan, editorial José Marti, 2016. Cet ouvrage était disponible en version électronique sur Ruthtienda, mais plus en 2020. En anglais.
  • Hecho en Cuba : Cinéma and the Cuban Graphics, sous la direction de Luigi Bardellotto, Silvana Editoriale, 2016. En anglais et italien.

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