Lada à Cuba : et pourtant, elles roulent…

Sonnez klaxons, résonnez sirènes : On annonce pour janvier 2018 l’arrivée à Cuba de 350 Lada dernier cri. Un petit événement en soi ! En effet, après plus de 50 ans de système D, le parc automobile est vieillissant. Photogénique certes, mais vieillissant.

Sur l’Île, la vente de véhicules aux particuliers – une des mesures de l’ouverture économique – a repris en 2014. Stratégique, l’entreprise russe revient avec les modèles Vesta et Largus Cross, espérant ainsi regagner le marché « émergent » de l’Amérique Latine. Revient ? Eh oui ! C’est qu’entre Lada et Cuba, l’histoire date des années 70.

Des ados, un coq et une Lada : l’ambiance du quartier autour du marché de K y L, Vedado, La Havane.
Manzanillo, à l’autre bout de l’île, a aussi son Malecon et ses Lada…
Une Lada blanche comme il y en a tant, aux alentours du Parque Almendares, Miramar, La Havane.

À l’époque, les Lada étaient réservées aux cadres politiques et aux bons et loyaux serviteurs de l’État¹. Dans les années 80, les relations entre Cuba et l’URSS étaient au beau fixe et les voitures soviétiques représentaient plus de 30 % du parc automobile de l’Île. Outre les bénéficiaires suscités, les taxis et la police en avaient fait leurs véhicules de prédilection. Plus menues, moins glamour que les américaines, elles étaient cependant très appréciées.

Les raisons de ce succès ? D’abord, c’étaient les premiers modèles neufs vus dans les rues depuis le gel des importations en provenance des États-Unis. Ensuite, leur solidité à toute épreuve et leur « bricolabilité » avérée en faisaient des produits particulièrement adaptés à la réalité cubaine. Il n’y a qu’à voir la photo d’en-tête de cet article pour s’en persuader.

Lada orange ou almendron ? Question de goût ! Ici, sur le Prado devant le Centro de Danza.

Pas plus que les antiques Chevrolet ou Buick, pas plus que leurs cousines Moskvitch, elles ne pouvaient être revendues. Du coup, elles sont restées dans les familles et aujourd’hui ce sont les fils et filles qui les bichonnent et les conduisent. On est passé de la génération des Ladocrates à celle des Ladologues !


La voiture à Cuba en quelques dates :

  • 1898 : première automobile dans les rues de La Havane, une « Parisienne ».
  • 1900 : les frères Dámaso et Honoré Laine commercialisent les véhicules de marque White et ouvrent le premier garage.
  • 1907 : première Cadillac dans les rues de Guanabacoa, faisant office de taxi.
  • 1912-1913 : arrivée des Chevrolet puis des Ford. La capitale compte alors 4 000 automobiles.
  • 1927 : début de la construction de la Carretera Central. Toutes les grandes marques (Pontiac, Triumph, Austin…) exportent vers Cuba pendant les 30 années qui suivent.
  • 1962 et après : embargo économique et commercial. Plus aucune voiture américaine n’entre dans l’Île, pas plus que leurs pièces détachées. L’URSS fournit des Moskvitch et Volga 21. La Tchécoslovaquie envoie des Skoda.
  • 1970 : arrivée des Lada en grand nombre et de quelques modèles provenant d’Argentine : Fiat, Ford Falcon, Dodge, Peugeot… L’achat et la vente entre particuliers sont strictement interdits.
  • Années 90 et 2000 : importation de quelques Toyota, Hyundai, Mitsubishi, Nissan, Daewoo, Volvo, Mercedes Benz…
  • XXIe siècle  : profitant d’une relative ouverture économique, les marques françaises mais surtout les Geely chinoises et Kia sud-coréennes apparaissent dans les rues. En attendant les nouvelles Lada !

Depuis l’annonce officielle de l’arrivée en fanfare de ces 350 unités neuves (dont plus de la moitié réservées à l’entreprise nationale de taxis), des dizaines d’articles sont consacrés à l’événement.

Qu’en pensent les Cubains interrogés ? Ils craignent que les nouveaux modèles soient moins increvables que les anciens ! Et de toutes façons, vu les prix, bien peu peuvent se permettre de rêver à l’acquisition d’une voiture neuve…

Il attend dans la Lada Niva, pendant que sa maman fait ses courses chez DoñaNeli, la pâtisserie en vogue à Miramar. Un nouveau privilège de riche.
Chinoise ou Russe la voiture ? Duo monochrome devant une façade Art Déco de la calle Humboldt, Centro Habana.

Quant aux fabricants de cartes postales… il leur reste les milliers de modèles vintage qui sillonnent les rues et les routes dans de grands nuages de fumée noire…


¹ Pour comprendre ce système il faut se souvenir que dans cette société, à l’époque où les produits de consommation courante étaient distribués équitablement, l’accès aux produits « de luxe » ou importés reposait sur la possibilité de retirer des bénéfices d’un comportement exemplaire et validé comme tel.

En toute logique, les cadres du PCC (et les diplomates) étaient donc en première ligne pour les magasins spéciaux, voitures de fonction et accès aux devises, voire autorisations de se rendre à l’étranger.

Photo à la Une : Cuban taxi (long custom made version of Lada). February 2009 by Krokodyl sur wikimediacommons. Thanks !

Sources : Lada reanuda sus exportaciones a Cuba, dépêche AFP du 27 novembre 2017, Historia de los autos en Cuba sur le site A Lo Cubano et article LadaAvtoVAZ de wikipedia.

Allez, une dernière Lada, orange, sur la route de l’aéroport José Marti. La voiture verte en face est une Moskvitch. Dur de les distinguer !

Un grand merci aux membres du groupe FB Je pars à Cuba, qui m’ont aidée à identifier les Lada de mes albums photo. En effet, si j’aime bien photographier les rues et leurs voitures, mes connaissances techniques en matière d’automobile sont plus que basiques…


2 réflexions sur « Lada à Cuba : et pourtant, elles roulent… »

  1. bonjour Céline , et merci pour vos articles tous très intéressants et bien documentés , je les reçois régulièrement , vais souvent à Cuba aussi !
    bravo pour la photo 1 , géniale !!! j’adore les cubains …
    encore merci votre site est formidable et original
    amicalement

  2. Merci pour vos commentaires Lillie. Je précise que la photo 1 n’est pas de moi. L’auteur est cité en fin d’article. J’ai souvent vu des voitures « customisées » à Cuba, je vais essayer de penser à les photographier aussi. Bons prochains voyages !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *