Journal de biennale : lundi des trous dans le mur

La biennale de La Havane : tellement attendue qu’elle ne pouvait que décevoir, non ? Si, mais pas toujours. Bref ne sachant par quel bout démarrer le récit de cette aventure, je choisis le plus simple : l’ordre chronologique

Lundi matin, le décalage horaire me réveille aux aurores. C’est parfait pour aller parcourir le Malecón avant les grosses chaleurs. On y annonce Detras del Muro, soit un long ruban d’œuvres in situ à découvrir en flânant.

Première constatation : une bonne part des œuvres annoncées sont absentes. Pas encore montées, 48h après l’inauguration. Bienvenue à Cuba.

Que regarder ?

Le Malecón au lever du jour pendant la Biennale de La Havane 2019. Une tache de couleur aimante le regard…

À l’ouest, l’œuvre de David Magan réveille le Parque Maceo. Ses couleurs sont tellement intenses que tout le reste paraît noir et blanc. La suite sera tout aussi contrastée…

Laboratorio, œuvre de Ariamna Contino et Alex Hernandez sur le Malecón, pendant la Biennale de La Havane 2019.
Adentro, intervention de Elio Jesús sur le Malecón pendant la Biennale de La Havane 2019.
Potemkin Village, intervention de Juan Andres Milanes sur le Malecón pendant la Biennale de La Havane 2019.

Les propositions d’Ariamna Contino et Alex Hernandez, de Elio Jesús ou encore de Juan Andres Milanes nous ouvrent les yeux sur ce qui les entoure : du sel, des pierres rongées par le salpêtre, des équilibres précaires… C’est beau, sensible, intelligent. Et ça ne pourrait pas être ailleurs qu’à La Havane.

Tandis que d’autres sculptures ont une vocation nettement plus décorative. C’est là qu’on se demande ce qu’il faut regarder : la sculpture rose bonbon, la gardienne en uniforme ou l’immeuble effondré derrière ? Quel est le statut de l’œuvre d’art dans ce contexte extrême ? Effacer les ruines ? Les rendre photogéniques ?

Une œuvre de Jon Legere (Bermudes) installée sur le Malecón pendant la Biennale de La Havane 2019. Que regarder ? L’œuvre, la gardienne ou la toile de fond ?
Selfies dans l’installation de José Davila sur le Malecón pendant la Biennale de La Havane 2019.

D’autant que rapidement, l’espace se transforme en usine à selfies, comme devant la Joconde aux heures de pointe. Il faut pratiquement faire la queue pour voir les œuvres en entier.

Ce que je ne vois pas, en revanche, c’est l’information sur les horaires de la performance de Carlos Martiel. Je vous en reparlerai dans le deuxième chapitre de ce journal de biennale.

Travail en cours de Okuda San Miguel sur le Malecón, pendant la Biennale de La Havane 2019.

Le prix du public ira certainement à la fresque de Okuda San Miguel, qui projette sur un mur aveugle les couleurs pop de sa sculpture en contrebas. L’artiste y travaille tous les jours (à cette heure elle doit être achevée) en présence des habitants du quartier. Ça fait un attroupement sympathique avec rhum, commentaires et reggaeton.

Detras del Muro (qui signifie, ne l’oublions pas, « derrière le mur ») se prolonge jusque sur le Prado et le Parque de la Punta. Joli point de vue pour constater à quel point l’énorme hôtel en construction va totalement oblitérer la perspective, une fois qu’il sera achevé.

Insivible lighthouse, installation de Benjamin Ossa au débouché du Malecón et du Prado, pendant la Biennale de La Havane 2019. Derrière, l’hôtel Paseo del Prado, appartenant à une grande chaîne internationale, est presque achevé.

Il y a plein d’œuvres intéressantes dans ce coin, notamment une installation de Jorge Otero et un mural de José Angel Vincench. Après ça j’ai fait une petite pause avant d’obliquer vers Centro Habana… Où une belle surprise m’attendait.

L’entrée du Rex Duplex rendue à sa splendeur par Habana Light Neon + Signs, à suivre…

Dans la partie piétonne de la calle San Rafael (le bulevar comme on dit ici), l’ancien ciné Rex Duplex est en pleine renaissance, grâce à l’artiste Kadir Lopez et son entreprise Habana Light Neon + signs. Profitant de la biennale, l’équipe s’active au milieu des gravats pour proposer déjà plein d’activités intéressantes.

Enfin me voilà à Galleria Continua, où une photo d’Agnès Varda accueille les visiteurs. Souvenirs, souvenirs…

À l’intérieur, c’est une autre femme qui est à l’honneur : deux installations de Zhanna Kadyrova prennent place dans l’ancien cinéma (eh oui, encore). Second Hand (au balcon) et Permiso para el coctel (au parterre) sont réalisés à partir de prélèvement de matériaux (carreaux de faïence) ou de citations d’éléments d’architecture (grilles de fer forgé, vitraux…) qui retrouvent ici une poésie délicate. Un vrai plaisir.

Second Hand, installation de Zhanna Kadyrova (Ukraine) à Galleria Continua pendant la Biennale de La Havane 2019.

Il est temps de rentrer à la maison dans le Vedado pour soigner mes ampoules aux pieds (si vous suivez bien avec une carte en mains, vous avez compris que j’ai déjà parcouru quelques kilomètres).

Mais je me paie un petit détour par l’UNAICC, autrement dit la Maison des Architectes, pour voir l’exposition de José Yaque. Deux espaces distincts de ce magnifique bâtiment sont littéralement habités par son univers de matériaux bruts. C’est beau, je reste un moment à contempler et personne ne vient troubler le silence.

El dilema del ciempiensamientos, installation de José Yaque à l’UNAICC pendant la Biennale de La Havane 2019.

Si vous êtes à La Havane, profitez de la biennale pour aller voir, car le bâtiment est rarement ouvert au public. Quant aux autres expositions (dont je vous parlerai dans les prochains chapitres) elles sont pour la plupart ouvertes bien après la date fatidique du 12 mai, fin officielle de la plus grande manifestation d’art contemporain des Caraïbes.

À bientôt pour la suite !

Photo à l a Une : David Magan (Espagne), création pour Detras del Muro, l’une des manifestations de la Biennale de La Havane 2019.

À consulter aussi : Un paseo por la bienal sur le site 14yMedio (jolie galerie de photos) et Dedelmu, le site de la manifestation Detras del Muro.

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