Fusterlandia : l’art est à la rue

Planqué entre la Marina Hemingway et la 5e Avenue de Miramar, Fusterlandia est un secret de Polichinelle que l’on peut voir selon les jours comme un attrape-touriste multicolore ou comme une merveilleuse utopie urbaine. Ou les deux à la fois, ce qui a son charme.

Le portail de la maison de Fuster, plutôt sobre par rapport à ce qui vous attend à l’intérieur.

Tout a commencé lorsque le jeune José Rodriguez Fuster, fils de pêcheurs de Caibarién, sur la côte nord, s’est porté volontaire pour participer à la campagne d’alphabétisation dans la Sierra Maestra.
À la suite de cette aventure il a pu poursuivre des études d’art à La Havane et gagner sa vie comme artiste, lui qui était destiné à reprendre le petit commerce de pêche familial.

Son langage pictural doit beaucoup à ses premiers éblouissements d’étudiant : Picasso, Brancusi, Dubuffet… et Gaudi, dont il avait découvert les mosaïques lors d’un voyage à Barcelone. Rien de révolutionnaire à priori, jusqu’au jour où il s’est installé dans une maison de bois de Jaimanitas, un quartier populaire des confins de la capitale.


Picasso es mi padre spiritual y Gaudi mi tio preferido (Picasso est mon père spirituel et Gaudi mon oncle préféré).
José Fuster


À la manière d’un Facteur Cheval latino, il a commencé à couvrir la maison de mosaïques, puis à lui inventer des extensions, puis à déborder sur le trottoir. Petit à petit, en accord avec les voisins, il a fait entrer tout le quartier dans sa fantasmagorie de coqs, soleils, damiers, mains dressées vers le ciel, visages post-cubistes et ribambelles de héros des pays frères.

Fusterlandia : la voisine d’en face a souhaité rendre hommage à Lady Diana.
Fusterlandia : sur le mur d’enceinte du terrain de beisbol, Frida Kahlo et les amis mexicains.
Mur des artistes à Fusterlandia : Fabelo, Fremez, Kcho et les autres…

Aujourd’hui ce sont plus de 80 maisons qui portent sa marque, ainsi que tout le mobilier urbain de la zone. Il y a même un « pared de las artistas » composé de douzaines de carreaux de céramique signés par d’autres plasticiens cubains. Un vrai quizz d’art contemporain !

Paradoxe : maintenant que Jaimanitas est en voie de gentryfication¹, Fusterlandia réussit à attirer les touristes tout en proposant un espace de résistance à la normalisation. Le bleu de ses mosaïques est bien moins artificiel que celui des piscines où les visiteurs traînent leur ennui tropical…

Marina Hemingway 2017

¹ Entre Punto Cero (résidence de l’ex chef d’État), quelques acteurs célèbres et… le paladar Santy, le défilé des limousines concurrence celui des autocars.

Pour localiser la Casa Fuster et son entourage, voyez cette excellente carte openstreetmap.

Photo à la Une : Fusterlandia, Jaimanitas : un mur d’enceinte recouvert de mosaïques par José Fuster.

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