Edificio López Serrano : Art Déco décomposé

On le voit de loin. À l’intersection des rues L et 13, sa ressemblance avec l’Empire State Building de New York aimante le regard. C’est l’Edificio López Serrano, construit en 1932 par les architectes Mira y Roisch : structure d’acier, murs de briques, 78 appartements sur 10 étages, plus la tourette qui en compte 4. Cet emblème du style Art Déco fut pendant longtemps l’immeuble le plus haut de la capitale.

De loin, il conserve une belle prestance. Mais je m’approche : manifestement il n’a fait l’objet d’aucune rénovation et commence à évoquer un géant aux pieds d’argile. Moins grave pour les habitants mais plus dommageable pour le patrimoine : ses éléments décoratifs remarquables partent en poussière.

Edificio López Serrano, Vedado, La Havane : par beau temps, un petit air de Miami.
Edificio López Serrano, soubassements et boiseries dégradés, 2017.
Edificio López Serrano, Vedado, La Havane : stucs et jardinières.

C’est quoi l’Art Deco ?

N’étant pas spécialiste, je vais me contenter de brèves indications : ce mouvement mondial né dans les années 10 du siècle dernier a connu son apogée dans les années 20, en opposition aux volutes et formes organiques de l’Art Nouveau.

Caractérisé par des formes géométriques et symétriques, les lignes verticales et les aplats de couleur, il s’exprime dans la décoration, l’architecture, les arts décoratifs, la mode et même la typographie.

Arrivé à Cuba en provenance des États-Unis, il a commencé à décliner dans les années 30 tout en ouvrant la voie au modernisme.


En 2014, un projet socio-économique et culturel de sauvetage, intitulé López Serrano Salvarte était proposé par des étudiants en architecture de l’Instituto Superior Politécnico… Mais il a dû avoir du mal à démarrer car entre ma visite de 2015 et celle de 2017, malheureusement je n’ai pas vu beaucoup d’améliorations.

Edificio López Serrano, Vedado, La Havane : entrée monumentale sur la calle 13, 2017.
Edificio López Serrano, Vedado, La Havane : entrée condamnée et garage inondable, 2017.

Les habitants ont bien proposé des pistes pour financer les travaux :  faire payer l’accès au toit avec sa superbe vue sur la capitale, insérer la visite dans les circuits Art déco, retaper l’appartement de l’homme politique Eduardo Chibas, chez qui ont défilé toutes les personnalités de l’époque… Ils ne manquent aucune occasion d’alerter les pouvoirs publics, ou de prendre la parole dans les congrès consacrés à l’Art Déco, mais rien n’y fait…


Qui était José Antonio López Serrano ?

Tout a commencé avec José López Rodríguez, débarqué sans famille ni fortune de sa Galice natale. Analphabète, il débute en vendant des livres d’occasion. Puis, celui que tout le monde surnomme Pote fait un beau mariage, amasse une grande fortune, gère des imprimeries, une central azucarera, fait prospérer la librairie Moderna Poesia et devient banquier puis promoteur immobilier. La totale. Enfin presque, car ruiné par la crise de 1920, il met fin à ses jours dans sa maison du Vedado.

Entrée en scène du fiston José Antonio. Sur les traces de papá, qui lui a quand même laissé de quoi démarrer dans la vie, il diversifie sa fortune avec – entre autres – les compotes JALS (ses initiales), les conserves Comódoro et l’hôtel du même nom, à Miramar. Et surtout l’Edificio qui nous intéresse aujourd’hui, bâti sur l’emplacement de la demeure familiale. Après son départ de Cuba, en 1959, il fonde à Miami la maison d’édition La Cultural S.A. La boucle est bouclée !


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2 réflexions sur « Edificio López Serrano : Art Déco décomposé »

  1. Et, à venir, un reportage sur l’intérieur de ce magnifique édifice à la beauté croulante et portrait de quelques uns de ses habitants ??

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