Cuba après Irma

9 septembre 2017 : l’ouragan Irma atteint Cuba après son passage dévastateur sur l’arc des Antilles. La presse internationale couvre l’événement mais les Cubains, privés d’électricité donc de communication, ne peuvent témoigner de leur expérience que depuis quelques jours.

Voici différents instantanés du désastre, recueillis sur les blogs et sites de presse en ligne cubains. En fin d’article vous trouverez également plusieurs pistes pour apporter votre aide, dans la mesure du possible.

Le Vedado et Centro Habana inondés

À 3 heures du matin, dans la nuit de samedi à dimanche, un immeuble de Ánima y Belascoaín, complètement imbibé, s’est effondré. Deux frères qui y dormaient ont trouvé la mort. Ils font partie des 10 victimes cubaines comptabilisées à ce jour. Pour info, l’immeuble était signalé en peligro de derrumbe depuis… 2007.

Un paysage de désolation : les zones basses proches du Malecón ont été prises d’assaut par des vagues de plusieurs mètres de haut. Certains habitants vivent dans les escaliers de leur immeuble, ayant sauvé ce qu’ils ont pu traîner jusqu’en haut. Plusieurs jours après, ils attendaient toujours que la mer se retire pour tenter de récupérer leurs meubles qui flottaient dans leurs appartements.

Du côté des rues 8 et 10, on s’activait à déboucher les égouts pour permettre l’évacuation de l’eau saumâtre, en attendant l’intervention de la Société des Eaux de La Havane.  Les habitants ont vu passer des lits, des télés et des fauteuils sous leurs balcons, et maintenant ces épaves sont échouées sur un lit de boue.

L’odeur saline a été remplacée par un fort relent de chiottes, car bien entendu les canalisations d’eaux usées ont été complètement envahies, sans compter les conteneurs à ordures ménagères qui se retrouvent cul par dessus tête en travers de la chaussée. Une situation d’autant plus pénible que ce qui manque le plus, c’est… l’eau. Pour boire et se laver.

Effets d’une grosse tempête dans le Vedado (photo octobre 2016)

Une grande partie des arbres du Vedado sont couchés au sol, ayant entraîné dans leur chute les pylônes électriques et les fils du téléphone. Des brigades des FAR ont été appelées en renfort pour aider les entreprises municipales à rétablir le courant.

Des réactions contrastées

Dans les zones où la fée Électricité est revenue, un étrange commerce s’est mis en place : certains se sont appropriés des prises de courant proches de la rue et louent à la minute cette unique solution pour recharger les téléphones portables et ordinateurs. Leurs clients, venus de quartiers moins chanceux, gardent les yeux rivés sur le témoin de charge tandis que les fournisseurs officieux leur offrent gracieusement une bande son à base de reggaeton.

Heureusement, ce qui prévaut c’est quand même la solidarité entre voisins. Lisez pour vous en convaincre le témoignage de Conner Gorry, A quick note on Irma sur son blog Here is Havana. On y apprend que 5 jours sans électricité, ça crée des liens. La chaleur humaine allège l’atmosphère pesante et l’absence de ventilateurs !

Le cri de Diez de Octubre¹

On veut du courant ! On veut de l’eau ! El pueblo – unido – jamás será vencido ! Dans l’après-midi du mercredi 13 septembre, des centaines habitants du quartier Diez de Octubre forment une manifestation spontanée. Selon les infos recueillies par 14ymedio, la police est présente mais n’intervient pas.

Quelques heures seulement après le début de cette protestation citoyenne, les autorités envoient des brigades de la Unión Eléctrica et l’électricité est rétablie, ainsi que l’approvisionnement en eau potable. Comme quoi…


¹Diez de Octubre, le municipio le plus peuplé de La Havane, tient son nom d’une date fondatrice de l’histoire cubaine. En effet c’est à cette date, en 1868, que Carlos Manuel de Céspedes fit sonner les cloches de son hacienda, libéra ses esclaves et poussa un cri pour décréter le premier jour de l’indépendance de Cuba… laquelle ne fut effective que bien plus tard.


Matanzas, Camagüey et Ciego de Ávila

Outre les vies humaines perdues, dans les provinces de Matanzas, Camagüey et Ciego de Ávila les dégâts sont énormes. La ville côtière de Santa Cruz del Norte et le village de pêcheurs de Boca de Jaruco ont été jetés au sol. Les Cayos de la côte nord sont ravagés et l’aéroport de Jardines del Rey, qui apporte au pays son flot continu de vacanciers, est complètement détruit.

Plus d’un million de personnes ont été évacuées, dont 8 000 touristes qui profitaient de leur petit coin de paradis payé en bonne monnaie verte. 300 000 hectares de canne à sucre et une grande partie des raffineries sont affectés. Les autres cultures ne se portent pas mieux. Les plages de Santa Lucía et la petite ville de Nuevitas sont particulièrement secouées.

Plantation de Fruta Bomba à Esmeralda : ce qu’il en reste après Irma.

À Esmeralda, dans la province de Camagüey, les tuiles francesas des maisons coloniales, comme les toits de zinc ou de fibrociment des habitations plus récentes, ont volé dans les airs. Même la couverture de la Central Azucarera Brasil a été retrouvée 100 mètres plus loin. Ici, les vents ont soufflé à plus de 250 Km heure, et pendant longtemps. 7 000 personnes avaient été préalablement évacuées de leurs habitations classées officiellement « en mauvais état ».

Paysage après la bataille

Et aujourd’hui ? ces mêmes évacués regagnent leurs maisons, ou ce qu’il en reste. Les secours – officiels ou spontanés – s’organisent avec les moyens du bord. Quoi qu’on en pense, et tout clivage politique mis de côté, un petit coup de main à la population sera le bienvenu.

Intervention des forces de l’ordre pour déblayer les rues. Photo Granma, droits réservés.

De nombreuses ONG sont déjà actives dans les Caraïbes. Personnellement j’opte pour un don à Oxfam, qui met l’accent sur la participation citoyenne, la sécurité alimentaire, l’égalité entre les sexes et les droits des femmes, ainsi que la mise en œuvre d’opérations humanitaires appropriées en cas de catastrophe naturelle.

L’association française Cuba Linda est prête à agir grâce à vos dons, et Conner Gorry vous recommande Medicc, une ONG spécialisée dans l’accès aux soins (certes vous n’avez pas de compte en banque aux States mais avec paypal ça marche quand même). Autres suggestions bienvenues en commentaire.

Vous partez prochainement et ne savez pas quoi emmener ? Mesdames et messieurs, imaginez la vie d’une famille sans eau courante pour prendre soin de son bébé. Vous tenez la réponse : des couches, des filtres à eau, des vitamines… Et tant que vous y êtes des serviettes périodiques, des piles et bougies, votre téléphone portable de rechange et une radio sans fil. Ils serviront peut-être très bientôt car Maria, le prochain cyclone, inquiète déjà les météorologistes…


Sources : Estampa: La Habana después de Irma – sur le blog El Estornudo, Conner Gorry, sur son blog Here is Havana :  A quick note on Irma et le compte twitter de Periodico Granma.

Photo à la Une d’après « People walk in a flooded area after Hurricane Irma caused flooding and a blackout, in Havana, Cuba September 11, 2017 ». REUTERS / Alexandre Meneghini. Droits réservés.


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4 réflexions sur « Cuba après Irma »

  1. Je m’attendais à une réaction de votre part despues IRMA…Votre blog en français est le plus intéressant qui soit…tombé amoureux du peuple cubain par hasard il y a 20 ans, j’apprécie votre regard et sensibilité à son égard…Amicalement.Philippe.

  2. Hello
    Merci pour cette synthèse. Il y a toujours pire dans la misère et le désastre. J’appréhende de voir cela, ainsi que la nouvelle tête de la Havane, le paysage d’après guerre, les arbres arrachés… car bien sûr, aucune politique d’élagage des arbres en prévention… L’électricité a été rétablie dans notre quartier. Je pense à tous ceux qui n’ont pas encore retrouvé de logis. Et Maria qui s’amène…
    Besos.

  3. Oui ils n’ont pas retrouvé de toit, et la priorité est mise sur les installations touristiques…
    Effectivement, calle Linea # 53, électricité et gaz sont revenus samedi. Maria (l’amie, pas l’ouragan) devrait m’envoyer des photos, je te les ferai passer. Bises à vous deux.

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