Conte chinois : un aller simple pour La Havane

La migration prit fin avec la Révolution chinoise et de nombreux hommes d’affaire chinois décidèrent de quitter l’Île après la Révolución cubaine. La population chinoise déclina fortement dans les années 60 et le Barrio Chino commença à se dégrader. Quelques titres de presse (dont le fameux Kwong Wah Po, organe de la société d’entraide du même nom) ont subsisté jusqu’aux années 90, imprimés à l’ancienne dans le quartier, mais ils ont fini par disparaître. Le recensement de 2012 fait état de 113 citoyens chinois vivant à Cuba, d’autres estimations évoquant 20 000 descendants.

Groupe de commerçants du barrio chino de La Havane, début des années 50.

Aujourd’hui, au delà des hommes et des femmes aux trait métissés (dont certains fort célèbres), que reste-t-il de la culture chinoise à Cuba ? Quelques patronymes, quelques restaurants chinois dans ce qui est devenu une enclave touristique en cours de gentryfication, la Danse du Lion une fois l’an ?

Mais ce n’est pas tout ! Voici une petite liste non exhaustive que je vous invite à compléter de vos observations ou expériences personnelles :

Corneta china, teatro callejero 2011. Photo Escael Marrero, licence creative commons. Merci !

La Corneta China, instrument indispensable des congas Santiagueras.
Le souvenir de Wifredo Lam, artiste d’importance majeure, fils de Chinois et d’Africaine.
Quelques scènes délirantes du roman Écrit en dansant de Severo Sarduy.
Le roman policier Mort d’un chinois à La Havane de Léonardo Padura.
Un épisode hilarant au cabaret Shanghai dans le roman (et le film) Notre agent à La Havane de Graham Greene.
Les charades chinoises et leur symbolique semi-secrète associant un chiffre à un animal.
Le cimetière chinois derrière le grand Cementerio Colón.
Le fronton du ciné Aguila de Oro, aujourd’hui transformé en galerie d’art contemporain.
Les séances de Tai Chi du dimanche matin derrière le Capitolio.
Le Monument de la calle L, en hommage aux Chinois tombés pour l’indépendance de leur nouvelle patrie.
Et, plus visible, El Pórtico de la Amistad qui marque l’entrée du Barrio Chino depuis 1999, date à laquelle la République Populaire de Chine en fit don à Cuba…

Charada china à Cuba. Comprend qui peut.

Enfin, la Chine à Cuba n’est pas que souvenirs : elle est aussi avenir ! Depuis que les deux gouvernements ont refait ami-ami, de nombreux investisseurs venus de Pékin débarquent régulièrement pour y monter des joint ventures, qui dans les éoliennes et qui dans la santé. On espère juste que les salariés de ces grandes entreprises chinoises connaîtront un meilleur sort que leurs ancêtres, qui avaient ouvert le chemin il y a tout juste 170 ans.


Sources : l’excellent article de l’excellent Leonardo Padura Fuentes, Chinese in Cuba myths and realities dans OnCuba Magazine, le blog Chinos de Cuba de Julio Gerardo Hun (qui malheureusement ne publie plus depuis 2016) et The Chinatown Story sur le site The Cuban History.

Écrit en dansant, Severo Sarduy. Titre original ¿ De donde son los cantantes ?, traduit de l’espagnol par Étienne Cabillon, Claude Esteban et l’auteur, éditions du Seuil, 1967

Mort d’un Chinois à La Havane, Leonardo Padura. Titre original La Cola de la Serpiente, traduit de l’espagnol par René Solis, éditions Métailié, 2001

Notre agent à La Havane, Graham Greene. Titre original Our Man in Havana, traduit de l’anglais par Marcelle Sibon, éditions Robert Laffont, 2014 (première parution 1958)

Photo à la Une : Chinatown Gate in Havana, Cuba, 2017, Kaldari, wikimedia commons


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