Cinq à Sept à La Havane

La Monumental, Edén Arriba, Edén Abajo et Ocho Vías : des positions du kamasutra ? Et bien non, petit.es coquin.es, ce sont tout simplement des hôtels pour couples en mal d’intimité.

Et ce n’est pas moi qui l’invente car j’ai trouvé la liste dans le très officiel Periodico Trabajadores. Oui, les motels qui louent des chambres à l’heure, les bien nommées posadas, vont ré-ouvrir à Cuba après des décennies « sans », avec pour objectif avoué de « diversifier les possibilités pour l’amour ». L’amour physique s’entend.

Un peu d’histoire (de fesses)

La plupart des Cubains d’un certain âge ont des souvenirs inoubliables des posadas : un premier baiser, l’appel de l’employé pour siffler la fin de la partie… Et cela ne date pas de 1959. Le premier « hôtel d’amour pour couples légitimes » est né à La Havane à la fin du XIXe siècle : Le Carabanchel siégeait du côté de San Miguel y Consulado.

Il fut suivi de beaucoup d’autres, dans la capitale et dans les grandes villes. La tradition se perpétue après la Revolución car, crise du logement oblige, il n’est pas rare que que plusieurs générations partagent la même maison, le même appartement et parfois la même chambre. Dans les années 70 on fait la queue pour avoir son heure d’ivresse dans une posada rebaptisée albergue INIT (pour Instituto Nacional de la Industria Turística). Tout le monde connaît les adresses, mais bien peu en parlent ouvertement.

Posada Venus, La Havane. Photo droits réservés.

Arrive la Tormenta del Siglo, en mars 1993. Le vent et les pluies diluviennes jettent à terre de nombreux immeubles, il y a des centaines de familles à reloger dans l’urgence. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a… et l’État se voit dans l’obligation de réquisitionner le fleuron de son tourisme intérieur.

Les familles ainsi relogées avaient certes un toit sur la tête mais devaient souvent apposer une pancarte à l’entrée : « Ici vit une famille avec enfants. Merci de ne pas sonner au milieu de la nuit ». Car les clients habituels étaient certes soulagés de savoir leurs voisins relogés, sauf que pour les étreintes, tintin. Ambiance…


Offre alléchante trouvée sur un site de petites annonces, 2017.

Mais sans amour on n’est rien du tout alors Cubaines et Cubains ont su solucionar le problème : Les particuliers se sont mis à louer des chambres à l’heure, en toute discrétion. Quitte à interrompre la sieste de mamie, la faim justifiant les moyens. Les prix, d’abord en CUP, puis en CUC, varient selon le quartier et le jour de la semaine et avec le développement du tourisme sexuel, les jineteras et pingueros ne sont pas loin…

L’État reprend les choses en main

Alfonso Muñoz Chang, directeur de l’Entreprise de Logement de La Havane, le déclare¹ sans fausse pudeur : « Nous souhaitons faire revivre ce service qui a un grand impact social et de plus est très rentable. » Note de l’auteur : Euh oui… c’est plus rentable que d’investir dans la construction de logements.

La Posada Vento va ré-ouvrir ses portes, aux bons soins de l’Empresa Provincial de Alojamiento de La Habana. Photo Eduardo Gonzalez Martinez OnCuba Magazine, droits réservés.

Le premier Motel à reprendre du service sera El Vento : 2 étages, 16 chambres avec baños individuels, air conditionné et mini-bar bien garni. Non, je ne vous donne pas l’adresse… D’ailleurs il n’y a pas le feu car les travaux commencent à peine et l’ouverture n’est prévue que pour 2018. Les autres établissements, cités plus haut, suivront à moyenne échéance.


Alguien precisó que no había negocio más seguro que el de las funerarias y las posadas; sus razones eran obvias: la muerte y el amor son sencillamente inevitables, aunque sus diferencias sean notorias: en la primera se llora, en la segunda se goza. Periodico Trabajadores, 3 juillet 2017

Il n’y a pas de commerces plus sûrs que les pompes funèbres et les posadas. Pour des raisons évidentes : la mort et l’amour sont tout simplement inévitables, bien que leurs résultats soient notoirement différents : dans la première on pleure et dans le deuxième on jouit. Periodico Trabajadores, 3 juillet 2017


Les personnes intéressées pourront, en déboursant 5 CUC, louer une chambre pour 3 heures d’intimité. C’est cher pour le cubain moyen vous direz-vous. Le salaire moyen étant de 29 CUC (chiffre récent et officiel) pour ceux qui ont un travail à plein temps… Pour les autres, il reste toujours un parc, un escalier, le Malecon ou une voiture prêtée pour abriter leurs transports amoureux.

Amours provinciales et petits arrangements

Notez que certaines villes de l’intérieur ont conservé leurs posadas. Mieux, dans certains hôtels retapés avec luxe, les employés sensibles aux couples en détresse auraient trouvé un truc pour arrondir leurs fins de mois, tout en contribuant à améliorer la courbe de natalité : Ils louent des chambres à l’heure, en douce, entre deux clients officiels. Hay que luchar !

Alors si vous débarquez à Santa Clara ou Holguin et qu’on vous dit que votre chambre n’est pas prête, soyez compréhensifs : c’est peut-être au nom de l’amour.

Couple sur le Malecon de La Havane, octobre 2015.

 Sources : Los moteles “para el amor” vuelven a Cuba dans Havana Times

¹ Regresan las posadas a La Habana dans Periodico Trabajadores

¿Dónde hacer el sexo en La Habana? sur le blog Barrio de Cuba

Photo à la Une : étreinte furtive dans Centro Habana, quartier surpeuplé, décembre 2014.


2 réflexions sur « Cinq à Sept à La Havane »

  1. Je ne sais pas d’oú ils ont sorti ce chiffre de 29 cuc de salaire median !!!!! Autour de moi je ne vois que des cadres sup en fin de carrière n’arrivant même pas à 20 CUC, des gardiens de musée à 8 CUC mensuels, des chefs cuisiniers à 11 CUC, etc….. sans parler des fumigateurs, des employés du gaz ou de l’eau qui débarquent chez vous à n’importe quelle heure, dimanche et jours fériés inclus…..

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